L'élection de Bernardo Arevalo au Guatemala : un renouveau démocratique ?
- Sabine Sevaistre
- 8 févr. 2024
- 3 min de lecture
L'élection inattendue de Bernardo Arevalo au Guatemala marque un moment historique pour le pays d'Amérique centrale, selon l'historien Rodrigo Veliz Estrada. Fils de Juan Jose Arevalo, premier président démocratiquement élu du Guatemala, Bernardo représente un symbole de renouveau démocratique dans un pays marqué par des décennies de dictature et de conflits. Cette élection suscite des réflexions sur le passé tumultueux du Guatemala, la « révolution d'octobre » en 1944 et les années de guerre civile qui ont suivi, ainsi que sur les défis actuels et les perspectives géopolitiques pour le pays.

Le social-démocrate Bernardo Arevalo a été investi président le 15 janvier dernier
Les racines de la révolution et le printemps guatémaltèque
La révolution de 1944 au Guatemala a été le résultat d'une profonde insatisfaction envers la dictature oppressive de l'oligarchie agraire. Sous Juan Jose Arevalo, le pays a connu des réformes sociales significatives, marquant le début d'une période de démocratisation et de progrès social. Arevalo a mis en place un ensemble de mesures visant à améliorer les conditions de vie des citoyens guatémaltèques, y compris l'interdiction du travail forcé des indigènes et des réformes du système de santé et de l'éducation. Cependant, ces réformes ont rencontré une forte opposition de la part des intérêts américains, notamment de la United Fruit Company (UFCO), qui voyait ses privilèges remis en question par les politiques de réforme agraire. La montée en puissance de Jacobo Arbenz, successeur d'Arevalo, a marqué une période de radicalisation des réformes, avec la nationalisation des terres, y compris celles de l'UFCO. Cette action a déclenché une réaction hostile des États-Unis, qui ont orchestré un coup d'État en 1954 pour renverser Arbenz et rétablir un régime favorable à leurs intérêts.
Les années de conflit et de répression
Après le coup d'État de 1954, orchestré par la CIA avec le soutien de la UFCO et des intérêts américains, le Guatemala a sombré dans une guerre civile brutale qui a duré jusqu'en 1996. Les années de dictature militaire ont été marquées par une répression généralisée contre toute forme d'opposition politique, sociale ou ethnique. Les populations indigènes, en particulier, ont été ciblées de manière disproportionnée, subissant des massacres et des déplacements forcés. La guerre civile a déchiré le peuple guatémaltèque, laissant des cicatrices profondes qui perdurent encore aujourd'hui. Les accords de paix de 1996 ont marqué la fin officielle du conflit armé, mais de nombreux défis subsistent, notamment en matière de justice transitionnelle et de réconciliation nationale.
L'ère de la démocratie fragile et l'impact de la Cicig
Après la signature des accords de paix en 1996, le Guatemala a entamé une transition vers la démocratie, mais le chemin a été semé d'embûches. La corruption et l'impunité sont devenues endémiques, sapant les fondements même de la démocratie. La Commission internationale contre l'impunité au Guatemala (Cicig) a été créée en 2006 dans le but de lutter contre ces fléaux, en enquêtant sur les crimes liés à la corruption et en renforçant le système judiciaire. Sous la direction du juriste colombien Ivan Velasquez, la Cicig a réalisé des progrès significatifs, comme le démantèlement des réseaux criminels et la traduction en justice des politiciens corrompus et des membres des élites économiques. Cependant, son action a également suscité des réactions violentes de la part de ceux qui étaient visés par ses enquêtes, conduisant à son expulsion en 2020. L'expulsion de la Cicig a marqué un recul pour la démocratie guatémaltèque, ouvrant la voie à un climat d'impunité et de répression.
L'élection de Bernardo Arevalo offre donc une lueur d'espoir pour le Guatemala, mais les défis persistent. Le pays doit faire face à des problèmes profondément enracinés tels que la corruption, la violence et l'injustice sociale. La consolidation de la démocratie exige un engagement continu en faveur de la transparence, de la responsabilité et de la justice. De plus, le Guatemala devra naviguer dans un paysage géopolitique complexe, en tenant compte de ses relations avec les États-Unis et d'autres acteurs régionaux. Malgré les obstacles, l'élection de Bernardo Arevalo représente une opportunité pour le Guatemala de renouer avec son héritage démocratique et de tracer une voie vers un avenir plus juste et plus prospère pour tous ses citoyens.
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