top of page

Tunisie : entre dégradation de la démocratie et de l'économie

  • Émilie Guillaumont
  • 22 mai 2023
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 27 juin 2023

Alors que la Tunisie est souvent considérée comme le laboratoire de la démocratie au Maghreb depuis le Printemps arabe, la gouvernance du pays semble désormais s’éloigner de plus en plus des valeurs démocratiques. Entre barrages aux contrepouvoirs et limitation de la liberté de la presse, les reculs sont nombreux sous la direction du président en poste, Kaïs Saïed. Est-ce la fin de la parenthèse démocratique pour ce pays qui a déjà connu 23 ans de régime autoritaire sous Ben Ali ?



Kaïs Saïed



Kaïs Saïed ou la fin de l’expérience démocratique de la Tunisie ?

Kaïs Saïed, actuel président de la Tunisie, a été élu démocratiquement en 2019 avec 73% des voix des votants. Il aimait résumer son programme en une seule phrase : « je ferai ce que le peuple me dit de faire ». Cependant, depuis son élection, la démocratie et les libertés reculent progressivement en Tunisie et la parenthèse de la démocratie ouverte en 2011 semble se refermer petit à petit.

Kaïs Saïed a réalisé un coup de force en juillet 2021, mettant à mal les institutions démocratiques du pays. En effet, le 25 juillet 2021, l’homme d’État a gelé les activités de l’Assemblée nationale, s’octroyant ainsi les pleins pouvoirs. Progressivement, il a dissous l’Assemblée nationale, abrogé la Constitution de 2014, rédigé une nouvelle Constitution… Cette nouvelle Constitution, rédigée par le président et approuvée par référendum, instaure un régime présidentiel fort avec un Parlement qui perd tous ses pouvoirs : le président n’est désormais plus responsable devant aucune instance. Kaïs Saïed a aussi suspendu plusieurs dizaines de magistrats et remanié l’instance supérieure de contrôle des élections, devenue désormais une entité au service de l’exécutif. En résumé, le chef d’État a bloqué le fonctionnement des principales instances institutionnelles qui avaient été mises en place après 2011.


La restriction des libertés

Ce coup de force s’accompagne d’une restriction des libertés individuelles. A la suite du Printemps arabe, la quasi-totale liberté de la presse avait été instaurée dans le pays. Pour autant, quelques années plus tard, le directeur de Mosaïque FM, radio la plus écoutée de Tunisie, s’est retrouvé en prison, tout comme un certain nombre d’avocats et autres intellectuels. Le classement mondial de la liberté de la pressé publié récemment par Reporters sans frontières semble bel et bien témoigner de cette restriction accrue des libertés individuelles puisque la Tunisie occupe désormais la 121ème place sur 180, chutant alors de près de cinquante places en quelques années.

Enfin, tout ceci s’accompagne de discours problématiques tels que des discours racistes. Kaïs Saïden s’en est par exemple pris aux migrants d’Afrique subsaharienne qu’il a qualifiés d’ « horde de migrants » avec des « pratiques inacceptables », voulant renverser l’ « équilibre démographique » de son pays. En réaction, certains pays d’Afrique subsaharienne ont décidé de boycotter les produits tunisiens, conduisant alors au retrait des propos tenus par le gouvernement.


Une situation économique inquiétante

Cette dégradation de la situation politique s’accompagne d’une dégradation de la situation économique que le gouvernement semble incapable de contrôler. Avec une inflation à deux chiffres, un chômage qui dépasse les 15%, et une pénurie des produits de base dans les supermarchés, le niveau de vie des Tunisiens ne peut se voir que diminué.

Le secteur du tourisme, qui constituait une source de revenu important pour la Tunisie peine également à retrouver son niveau du début des années 2010. Déjà avant le Covid, on avait observé une réelle baisse du tourisme à cause d’un certain nombre d’attentats. L’attaque de la synagogue de Djerba qui a fait 5 morts la semaine dernière risque d’être un coup de plus pour l’attractivité tunisienne.

Depuis des mois, la Tunisie et le Fonds monétaire International (FMI) négocient l’adoption d’un prêt destiné à renflouer les caisses de ce pays surendetté. Cependant, le président a rejeté début avril ce qu’il considère comme les « diktats » du FMI. Ce refus du prêt du FMI risque d’empirer la situation puisque cela signifie qu’il n’y aura pas d’entrée d’argent pour le pays largement endetté. La monnaie tunisienne, le dinar, risque de continuer à perdre de la valeur.

Le haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de l’Union européenne, Joseph Borell, a averti la semaine dernière qu’il était « impératif d’éviter l’effondrement économique et social » du pays. Mais entre le Covid qui a anéanti un tourisme déjà mal en point, et la guerre en Ukraine qui a entrainé une flambée des prix de l’alimentation, la population tunisienne semble davantage préoccupée par la dégradation de ses conditions de vie que de la dégradation de la démocratie.

C’est donc probablement une parenthèse démocratique qui se referme… En effet, il semblerait que dans le court terme, avec Kaïs Saïed au pouvoir, on observe un certain retour vers l’autoritarisme. Comment pourrait reprendre ce processus démocratique ?

Comments


Ajouter un titre.png

Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir nos dernières publications

  • LinkedIn
  • instagram
  • facebook

©2023 by La UN'e.

bottom of page