Arrestation d'Ivan Koplakov : où en sont les dérives autoritaires en Russie?

L’arrestation pour possession de drogue d’un journaliste en Russie marque un coup sans précédent dans la répression du journalisme de l’État dirigé par Vladimir Poutine, et nous rappellent la dérive autoritaire actuelle organisée par ce dernier.

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Une arrestation aux circonstances floues

Le vendredi 7 juin, Ivan Golounov, journaliste pour le média indépendant en ligne Meduza, a été arrêté pour détention de drogue, et inculpé samedi 8 pour tentative de trafic de cocaïne et de méphédrone. Il possédait en effet sur lui 4 grammes de méphédrone, une drogue de synthèse, et de la cocaïne a été retrouvé à son domicile après perquisition. Il risque jusqu’à quinze ans de prison.

Le journaliste dément toute accusation. Il dénonce de plus le traitement qu’il a reçu de la part de la police lors de son arrestation : passage à tabac, 24h sans dormir et sans manger… Cette violation des droits de l’homme, de plus que le flou qui règne autour de cette affaire laissent à penser que cette arrestation n’est qu’un coup monté, et que les drogues auraient été placé dans son sac et chez lui à son insu.

La direction de Meduza a d’ailleurs indiqué dans un communiqué que Mr. Golounov recevait ces derniers mois des menaces de mort, parfois quotidiennes. Convaincu de son innocence, Meduza a qualifié Ivan Golounov comme « l’un des journalistes d’investigation les plus connus de Russie ». Il a notamment publié des enquêtes sur la crise des déchets à Moscou, sur les escroqueries menées par les entreprises de microcrédits, sur le partage mafieux du business des cimetières ainsi que sur d’autres affaires de corruption et de détournement de fonds.

L'opinion publique a apporté un fort soutien à Mr. Golounov

Face à cette accusation louche et suffisamment infondée, les trois quotidiens russes les plus influents (Kommersant, RBK et Vedomsti) ont publié une « Une » commune titrant « Je suis, nous sommes Ivan Golounov). Cette marque de soutient forte montre bien à quel point l’opinion publique russe considère que cette affaire a été montée de toute pièce de manière à faire taire ce journaliste. Les 3 journaux vont évidemment mobiliser l’opinion publique à manifester contre l’arrestation de Mr. Golounov, et vont également suivre de très près l’enquête pour s’assurer qu’elle s’effectue en toute transparence et en toute légalité.

Le journaliste de Meduza a finalement été assigné à résidence et non envoyé en prison comme le craignait la majorité de la population russe. Cette nouvelle a été accueillie avec des cris de joie par la centaine de manifestants qui s’étaient rassemblés devant le tribunal de Moscou pour protester contre cette arrestation.

La dérive autoritaire de l'Etat russe

Selon l’ONG Reporter Sans Frontières, l’État russe se classe à la 149èmeplace du classement de la liberté de la presse en 2019, sur un total de 180 pays. Pour de nombreux journalistes, cette affaire n’est qu’un signe de plus de la persécution des médias présente en Russie : assassinat de journalistes, arrestations infondées, coup montés… tout est fait pour empêcher les journalistes de fouiller dans les affaires sombres du pouvoir russe.

Les délégations en Russie de l’UE et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ont exprimé leur préoccupation quant aux traitements qu’à reçu Mr. Golounov après avoir été arrêté par la police. Le Kremlin quant à lui s’est donc vu contraint, face à la réaction de l’opinion publique, de déclarer qu’il suivrait attentivement cette affaire puisqu’elle pose beaucoup de questions.

Il n’en reste que cet événement n’est pas un cas isolé, et nous rappelle la dérive autoritaire orchestrée par Poutine depuis sa nomination à la présidence de la Russie. Le journal Meduza est d’ailleurs contraint aujourd’hui d’être basé en Lettonie pour échapper à la censure et au contrôle de son contenu par les médias russes.

Vincent Legrand