Libération de Paul Watson : Lorsque la justice danoise, japonaise et le droit international s’en mêlent
- Simon Abouaf
- 23 déc. 2024
- 4 min de lecture
Mardi 17 décembre, le Danemark a décidé de ne pas extrader Paul Watson vers le Japon. Le militant écologiste était détenu au Groenland depuis cinq mois. Paul Watson est ancien membre de Green Peace et siégeait notamment à son Conseil d’administration. Il souhaitait mener des actions directes, ce qui provoque son départ de l’association qui le juge trop radical. Un avis partagé par le Japon qui n’apprécie pas les actions coups de poing mené par Sea Sheperd (association fondée par Paul Watson) contre ses navires en eaux internationales. Sea Sheperd accuse le Japon de continuer la chasse à la baleine, pourtant illégale.

Qu’est-ce que le Japon reproche à Paul Watson ?
Le dimanche 21 juillet, les autorités danoises arrêtent Paul Watson à la suite d’une notice rouge d’Interpol émise il y a douze ans à la demande du Japon. Le Japon a demandé ce mandat d’arrêt international en raison d’activités contre la chasse à la baleine Antarctique qui auraient provoqué « des dommages et des blessures ». Les faits se sont déroulés le 11 février 2010 lorsqu’une « boule puante » contenant de l’acide butyrique a été envoyé sur le Shonan Maru 2, un navire harpon conçu pour la chasse à la baleine. Peter Bethune, un ancien membre de l’association Sea Sheperd, a été condamné à deux ans de prison avec sursis pour les mêmes faits après avoir plaidé coupable. Ce dernier s’était également introduit à bord du navire-usine en dégradant un filet anti-intrusion pour présenter à l’équipage nippon la facture des dégâts causés au navire de Sea Shepperd. En effet, en janvier 2011, le Shonan Maru 2 avait violemment percuté le bateau de l’association ce qui avait provoqué des dégâts conséquents. Les soutiens de Paul Watson accusent le Japon de vouloir empêcher le militant de protéger les baleines, alors que ses actions en auraient sauvé plus de cinq milles et auraient causé des millions de dollars de pertes pour l’archipel nippon. En outre, une extradition vers le Japon était redoutée par les soutiens de Paul Watson qui remettent en cause l’impartialité du système judiciaire japonais. Paul Watson redoutait une peine disproportionnée qui aurait servi de symbole pour dissuader les militants écologistes. Il risquait jusqu’à 15 ans de prison.
Que dit le droit international ?
La chasse commerciale à la baleine est interdite depuis 1986 par un moratoire international décrété par la Commission baleinière internationale. Le droit international encadre strictement la chasse à la baleine, reflétant une volonté de protéger ces espèces face aux menaces environnementales. La Commission baleinière internationale (CBI) joue un rôle central, notamment à travers l’établissement de sanctuaires marins où toute forme de chasse est interdite, comme le Sanctuaire de l'océan Austral créé en 1994. Ces mesures visent à favoriser la régénération des populations de cétacés après des siècles de surpêche. Toutefois, certains pays, comme la Norvège et l'Islande, rejettent le moratoire de 1986, poursuivant des activités de chasse commerciale sous couvert d'objections formelles ou d'exemptions locales. Le Japon, lui, a contourné ce moratoire en prétextant des « recherches scientifiques » pour pêcher les cétacés en Antarctique. Ainsi, en 2014, la Cour internationale de justice condamne l’archipel nippon pour ces activités de pêche illégale en Antarctique. Tokyo arrête alors cette pratique jusqu’en 2019, lorsque le Japon prend la décision de quitter la Commission baleinière internationale. L’archipel nippon prévoit de redynamiser son économie maritime attenant à la chasse à la baleine après une baisse drastique de la consommation passant de 233 000 tonnes dans les années 1960 à 1000 tonnes en 2021. En mai 2024, le Kangei Maru, un nouveau navire baleinier, a d’ailleurs été inauguré. Cependant, un traité historique pourrait bien bouleverser les plans du gouvernement japonais. Le Traité des Nations Unies sur la haute mer, adopté en 2023, devrait entrer en vigueur en 2025. Ce dernier contraindrait le Japon pour qui il serait plus compliqué de pêcher des baleines dans les eaux internationales. Ce traité constituerait un pas notable pour le droit international.
La décision du Danemark
Le 21 juillet 2024, la police du Groenland avait arrêté Paul Watson, alors en escale sur le territoire danois. Le militant écologiste était en route à bord du John-Paul-Dejoria afin d’intercepter le Kangei Maru. Après le rejet de son recours, la détention de l’activiste avait été prolongée à plusieurs reprises. Après une longue bataille juridique, la justice danoise a rendu son verdict le 17 décembre en libérant Paul Watson. Les raisons de sa victoire sont le temps écoulé depuis les faits reprochés (plus de quatorze ans), la nature des faits et l’absence de « certitude nécessaire » concernant les modalités d’une éventuelle peine au Japon. En effet, le ministère de la justice danois jugeait que sa détention provisoire devait être déduite d’une éventuelle peine sur l’archipel nippon, ce qui n’était pas certain. Le Danemark a ainsi limité les tensions diplomatiques avec le Japon. Le ministre de la justice a rappelé que le Japon est « une société démocratique régie par un État de droit, qui respecte les droits de l’homme fondamentaux ». De son côté, le gouvernement japonais juge « regrettable » la décision du Danemark. La libération de Paul Watson marque une étape cruciale dans les débats internationaux sur l'extradition et les droits des activistes. Bien que le Danemark ait agi dans le cadre de ses obligations légales, cette décision souligne l’importance de considérer la proportionnalité des peines et la durée des procédures. Elle met également en lumière le rôle des pressions diplomatiques dans des affaires où l'activisme environnemental croise la politique internationale.
Le combat n’est pas fini puisque Paul Watson va désormais s’attaquer à la notice rouge d’Interpol à son égard afin de voyager librement. Quant au droit international, le nouveau traité multilatéral devrait permettre d’amoindrir le flou concernant la législation en haute mer. Actuellement, peu d’instruments peuvent contraindre une nation à se soumettre à cette juridiction. Le Traité des Nations Unies sur la haute mer est donc une avancée majeure et porteuse d’espoir pour la protection des espèces menacées.
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