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Géopolitique et Jeux Olympiques, quels enjeux ?

  • Emmylou Marillaud
  • 12 mars 2024
  • 5 min de lecture

Si les Jeux olympiques existent depuis la Grèce antique, c’est la France, avec Pierre de Coubertin, qui a porté leur réintroduction en 1894 avec la création du Comité international Olympique (CIO). À l’occasion des 130 ans de la création du Comité et des 100 ans des premiers Jeux français à Chamonix, la France accueillera de nouveau dans quelques mois les Jeux Olympiques à Paris. À l’arrivée de cette compétition sportive internationale, les enjeux économiques, géopolitiques, sécuritaires et écologiques sont au cœur de toutes les attentions. Face à tous ces défis, les Jeux olympiques sont-ils réellement un vecteur de puissance ?




L'affiche officielle des Jeux Olympiques de Paris 2024, dessinée par Ugo Gattoni.


Les JO 2024 sont un enjeu mondial pour de nombreux pays… 

Tout d’abord, les médailles sont bien évidemment un enjeu de soft power mondial. La compétition devient un moyen pour l’État d’asseoir sa suprématie en montrant ses facultés à entraîner et faire gagner des athlètes de haut niveau. Même les pays plus petits se prennent au jeu. En effet, c’est une opportunité de faire briller et connaître ceux qui ont moins l’habitude d’être représentés à l’international.

Ce qui montre bien que le plus grand paradoxe est l’apolitisme affiché des Jeux olympiques. De fait, la présence ou non de pays est révélatrice des tensions géopolitiques. Cette année, 203 comités seront présents mais la Russie et la Biélorussie seront exclus à cause de la guerre en Ukraine. Le Guatemala est lui aussi suspendu depuis octobre 2022 pour des problèmes d’ingérence politique. Les athlètes de ces pays pourront bien évidemment participer à la compétition mais sous bannière neutre. Ces absences sont un indicateur des relations géopolitiques. À l’heure actuelle, la question de la présence des athlètes israéliens et palestiniens reste sans réponse. Le 20 février, au Conseil International Olympique, une trentaine de députés insoumis et écologistes ont demandé que les athlètes israéliens participent eux aussi sous bannière neutre. La décision du comité s'avérerait être révélatrice des dynamiques diplomatiques à l’œuvre dans des dossiers qui apparaissent inextricables.

En effet, le sport et plus particulièrement les Jeux Olympiques ont toujours été politisés. Déjà, en 1936, Hitler décide d’utiliser les JO pour montrer la supériorité de la race aryenne. Alors que Jesse Owens remporte quatre médailles d’or, Hitler refuse de saluer celui qui a déjoué sa thèse. Durant la Guerre Froide, les Jeux ont également fait l’objet d’une forte instrumentalisation par les Etats-Unis et l’URSS. Il y a fort à parier que les Jeux 2024 n’y couperont pas. Ils seront le moyen d’expression des tensions entre la Chine, la Russie et les Etats-Unis, chacun souhaitant démontrer la supériorité de son modèle. En 2008 déjà, lors des JO de Pékin, la Chine estimait avoir gagné au vu du nombre total de médailles remportées, ce qui a déclenché la colère des États-Unis qui s'étaient attribués la première place en comptant seulement les médailles d'or. 


 

Mais aussi et surtout un enjeu national, régional et local de puissance pour l’hexagone

Les Jeux Olympiques sont une vitrine pour l’État organisateur. L’idée est de montrer sa capacité à créer des infrastructures, à innover, à protéger et à organiser. L’objectif est donc de pouvoir montrer sa puissance par la persuasion et le soft power.  L’idée d’ouvrir les Jeux sur la Seine est une démonstration de force pour la France. Les Jeux sont également l’occasion de mettre en valeur l’attractivité culturelle du pays hôte, et d’augmenter les recettes liées au tourisme. Les travaux de Notre-Dame ont donc été accélérés en vue de l’arrivée de la compétition, la Tour Eiffel est censée être intégralement repeinte en doré. L’image que va renvoyer la France est indispensable pour se replacer en tant que puissance d’influence mondiale. 

Les enjeux économiques sont souvent importants même s’il est important de noter que les premiers JO à dégager des bénéfices substantiels sont ceux de Los Angeles en 1984. Le bilan financier est cependant toujours très variable en fonction des olympiades. Mais une règle reste constante : le budget prévisionnel est toujours dépassé. L’État doit alors essayer de minimiser les pertes et de dégager des bénéfices. Si le bilan est difficile à anticiper, quelques chiffres ont été publiés sur ce sujet. Les Jeux de Paris devraient engendrer 116 000 emplois et une valeur ajoutée de 9,8 milliards d’euros liée aux dépenses d’organisation, le budget total s’élevant actuellement à 8,8 milliards d’euros. Certaines entreprises peuvent tirer de gros profits des Jeux Olympiques en devenant sponsors. Par exemple, Le Coq Sportif a remporté le contrat d’équipementier et doit produire 1,5 millions de pièces pour les équipes de France. LVMH a aussi rejoint l’aventure en investissant près de 150 millions d’euros auprès de l’organisation des Jeux Olympiques. En échange, la maison pourra mettre en avant ses produits de luxe et profiter de la visibilité mondiale de l’événement. Ainsi, plusieurs missions seront confiées au groupe : le design des médailles olympiques sera façonné par la Maison Chaumet, les Maisons de Moët Hennessy apporteront leurs produits d’excellence afin de représenter l’hospitalité française, quand des groupes comme Sephora, Louis Vuitton et Dior s’engageront sur d’autres aspects. L’enjeux est donc d’avoir une publicité et une reconnaissance à l’international.  


Toutefois, les Jeux Olympiques sont un atout pouvant être à double tranchant, il faut alors minimiser au maximum les risques

Au total, ce seront 10 500 athlètes olympiques et 4 350 athlètes paralympiques qui participeront à 878 épreuves dans 54 sports différents, ainsi que 40 000 bénévoles qui seront mobilisés pour près de 13 millions de billets en vente. Cette manifestation de grande échelle nécessite des spécificités sécuritaires importantes. Dans un contexte de menaces multiples - terrorisme, cyber-attaques, crise sanitaire - la sécurité constitue un enjeu majeur. Le premier point est la cérémonie d’ouverture qui aura lieu en dehors d’un stade, sur 6km le long de la Seine. 300 000 personnes pourront y assister. L’échec de la sécurité de cet événement décrédibiliserait la France sur la scène internationale alors qu’elle a déjà subi quelques critiques lors de la finale de la Ligue des champions en 2022 et les Championnats du monde de rugby 2023. Le préfet de police de Paris aura exceptionnellement toute l’Île-de-France sous sa juridiction et le Groupe Aéroports de Paris est aussi sur le qui-vive ; la mise en place d’installations exceptionnelles pour assurer la sûreté aéroportuaire ainsi que l’installation de “vertiports”, des réseaux de taxis volants, sont prévues. 

 À l’occasion de cette compétition des zones ont été délimitées limitant l’accès à certains périmètres. Par exemple, la Tour Eiffel, la Place de la Concorde et le Stade de France sont en zone « organisateur » où l’accès est strictement limité  aux personnes et véhicules autorisés et accrédités par l'organisateur, Paris 2024, et aux personnes en possession de billets pour les épreuves. Ces accès limités impactent fortement le droit fondamental de liberté de circulation posant des problèmes constitutionnels. Entre sûreté et droit, la frontière est difficile à établir.  


Comme l’a écrit Carole Gomez, directrice de recherche en géopolitique du sport à l’IRIS : « Le côté apolitique du sport tel qu’il est revendiqué par un certain nombre de personnes aujourd’hui est (…) réellement un mythe. ». 

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