La crise du Macronisme : quel avenir pour la démocratie française ?
- Elise Leroy
- 9 déc. 2024
- 5 min de lecture
Depuis quelques jours, la scène politique française traverse une période de turbulences inédites. Le fort climat d’instabilité politique en France, qui n’a cessé de croître depuis le début du second mandat d’Emmanuel Macron, et qui avait atteint jusqu’alors une apothéose en juillet dernier avec la dissolution de l’Assemblée nationale, s’est encore renforcé ce mercredi 4 décembre avec la censure du gouvernement Barnier. Cette censure intervient à la suite du recours au 49.3, pour faire passer le budget du nouveau gouvernement. Les alliances inattendues entre extrême gauche et extrême droite, la montée des tensions sociales, et l’impopularité croissante du président témoignent d’une crise profonde de son mode de gouvernance. Les commentaires des médias étrangers, comme ceux du Corriere della Sera ou d’El Mundo, traduisent cette inquiétude internationale : la France pourrait-elle devenir ingouvernable ? Alors que l’Espagne avait, elle aussi, connu en 2023 une crise politique lorsque Pedro Sanchez avait été élu sans avoir obtenu la majorité du peuple. Il semblerait que cette crise politique et de légitimité ait contaminé la France.

Après l'adoption de la motion de censure par l'Assemblée nationale, le gouvernement Barnier a été destitué, moins de trois mois après l'annonce de sa constitution.
Un Macronisme aujourd’hui à bout de souffle ?
Le Macronisme, construit sur une promesse de dépassement des clivages traditionnels entre droite et gauche, semble aujourd’hui à bout de souffle. Deux facteurs majeurs expliquent cet affaiblissement. D’abord, le gouvernement d’Emmanuel Macron est soumis à une forte impopularité depuis le début de son second mandat. De fait, la réforme des retraites, qui a été proposée en 2023 est très controversée. Et, depuis cette proposition la côte de popularité d’Emmanuel Macron n’a fait que chuter. D’après le site Statista, la côte de popularité d’Emmanuel Macron est passée de 42% en mai 2022 à 23% en Novembre 2023. Ces chiffres soulignent la désadhésion croissante qui menace le président français. De plus, selon The Wall Street Journal, ce climat a exacerbé la défiance envers le pouvoir exécutif et affaibli la légitimité présidentielle. Cette illégitimité peut être une des origines de la récente dissolution du gouvernement. Le gouvernement macroniste semble perdre ses appuis. De surcroît, le gouvernement d’Emmanuel Macron a aussi été fragilisé par une fragmentation politique importante. L’échec de la coalition présidentielle Ensemble à obtenir une majorité absolue lors des dernières élections législatives a été un tournant. D’une part, cet échec illustre la légitimité perçue comme limitée du gouvernement macroniste à gouverner l’Assemblée. D’autre part, cette situation a ouvert la voie à des alliances stratégiques entre les oppositions, comme le vote commun de l’extrême gauche et de l’extrême droite contre le gouvernement lors de la motion de censure. Ceci est un phénomène inédit dans l’histoire récente. En outre, El Mundo souligne l’éclatement de l’ancien « cordon sanitaire » autour de l’extrême droite, ce qui montre l’imprévisibilité de cette recomposition politique.
La démocratie française aussi mise en péril
Cette crise ne marque pas seulement un tournant pour le Macronisme, mais aussi pour l’ensemble de la démocratie française. De fait, la crise actuelle dépasse le simple cadre institutionnel et interroge les fondements mêmes de la démocratie française. La crise est, en effet, marquée par une instabilité politique préoccupante. La France semble paralysée par des blocages institutionnels comme la motion de censure. La difficulté à former une majorité parlementaire stable rend la gouvernance presque impossible, comme le souligne The Financial Times. Dans les journaux internationaux, il semble alors que ce manque de cohésion fragilise non seulement le pouvoir exécutif, mais aussi l’image de la France sur la scène internationale. De plus, on observe une forte polarisation des extrêmes et une alliance inédite. Les partis d’extrême droite et d’extrême gauche ont chacun voté en faveur de la motion de censure. Si les partisans de LFI affirment que cette dernière relève de leur décision seule, il n’empêche que les deux partis se rejoignent autour d’un combat : destituer le gouvernement d’Emmanuel Macron. Le vote commun des extrêmes révèle une fracture profonde au sein de l’électorat. Entre ces deux pôles, le centre politique, jadis incarné par Emmanuel Macron, peine à s’imposer comme force unificatrice. En outre, cette crise politique mène à une crise de légitimité présidentielle qui pourrait impacter la crédibilité des institutions françaises. Comme le note Blick, la situation actuelle soulève des questions sur la légitimité d’un président à exercer pleinement ses fonctions lorsqu’il n’a plus le soutien d’une majorité parlementaire ni d’une partie significative de l’opinion publique. De possibles élections présidentielles anticipées, comme les élections anticipées de juillet 2023 en Espagne, bien que constitutionnellement rares, sont désormais évoquées par certains observateurs.
Les impacts possibles de cette décision sur l’avenir de la Ve République et sur ses voisins
D’une part, l’instabilité politique actuelle impacte les perspectives d’avenir de la Ve République. Face à cette crise plusieurs scénarios sont proposés mais tous semblent assez risqués. D’abord, certains observateurs pensent à une grande coalition pour sauver la République actuelle. Cette solution est proposée par Le Soir et rassemblerait les forces modérées de droite et de gauche. Une telle initiative permettrait de stabiliser l’Assemblée nationale et de retrouver un consensus lors de la mise en place de réformes. Cependant, elle semble assez irréalisable puisqu’elle nécessiterait des concessions de la part des principaux partis. De plus, la démission de Michel Barnier et la crise actuelle pourraient suggérer une auto-dissolution de l’Assemblée nationale. Emmanuel Macron pourrait choisir de dissoudre l’Assemblée nationale pour ne pas attendre juillet et pour provoquer de nouvelles élections législatives. Une telle décision serait risquée, car elle pourrait renforcer encore davantage les partis d’opposition, en particulier le Rassemblement national de Marine Le Pen, que El País considère comme la principale bénéficiaire de la crise actuelle. Enfin, solutionner la crise actuelle pourrait passer par une révision constitutionnelle de la 5ème République. De fait, la crise actuelle relance le débat sur l’avenir institutionnel de la France. Certains, notamment à gauche, plaident pour une VIe République qui limiterait les pouvoirs présidentiels et renforcerait le rôle du Parlement. Une telle réforme pourrait peut-être apaiser les tensions à long terme, mais sa mise en œuvre nécessiterait un consensus politique qui semble aujourd’hui impossible, en vue des tensions au sein de l’Assemblée.
D’autre part, il pourrait y avoir une réaction internationale à cette crise. De fait, un changement radical de gouvernement pourrait affecter les relations diplomatiques de la France avec d’autres pays. Si la France est perçue comme un pays politiquement instable, son rôle de leader au sein de l’Union Européenne pourrait être affecté. De fait, un nouveau gouvernement élu pourrait avoir des priorités différentes, ce qui redéfinirait son rôle au sein de l’UE. Et, il pourrait aussi y avoir une réaction négative des investisseurs et des marchés financiers ce qui mènerait à une dépréciation de l’euro et une volatilité économique, par exemple.
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