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"Il est temps de faire le Brexit"

  • Photo du rédacteur: UN'ESSEC
    UN'ESSEC
  • 21 oct. 2019
  • 4 min de lecture


"Il est temps de faire le Brexit" lança Boris Johnson lors d'une conférence de presse au côté de Jean-Claude Junker avant le début du Conseil européen le 17 octobre 2019 alors qu'un nouvel accord venait d'être annoncé entre l'Union Européenne et le Royaume-Uni. Est-ce aussi le temps de célébrer ? 

Un "nouvel" accord ?


Les déclarations successives des représentants de l’Union Européenne et du Royaume-Uni à la suite de cinq jours de négociations ce jeudi 17 octobre étaient remplies d’enthousiasme promettant finalement la résolution du Brexit à l’amiable. Un nouvel accord a donc été mis sur la table. Pourtant, ce dernier ne semble pas différer grandement de celui conclu entre Theresa May et l’Union Européenne : dans un premier temps, il est décidé un retour aux frontières entre les deux Irlande ainsi qu’une déclaration politique esquissant la relation future entre Royaume-Uni et Union Européenne. L’Irlande du Nord devrait former avec l’Union Européenne une zone réglementaire ainsi que s’aligner sur les normes européennes fixées dans le cadre du marché intérieur communautaire. Cependant, il est également envisagé un maintien de l’Irlande du Nord au sein de l’union douanière britannique, impliquant des contrôles douaniers entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne et donc le maintien des accords de paix du vendredi saint de 1998.


Ainsi, si en apparence le texte propose des concessions réciproques sur l’Irlande du Nord, abandonnant l’idée du « backstop », qui prévoyait initialement d’éviter le retour d’une frontière physique sur l’île d’Irlande, une frontière au moins douanière est envisagée. On peut cependant souligner que les règles de l’UE concernant la TVA sur les marchandises continueront de s’appliquer en Irlande du Nord pour éviter une véritable « hard border » entre les deux Irlande. Il n’y aurait ainsi pas de différences entre les taux appliqués entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande.


L'heure de la célébration ?


C’est difficilement un temps à célébrer. Cet élan de volonté à compromettre ne devrait pas faire oublier que le nouvel accord comporte des conditions plus dommageables pour l’économie britannique que ne comportait l’ancien accord négocié par Theresa May. Entre retrait de la Grande-Bretagne de l’union douanière et refus d’un alignement réglementaires avec le bloc des vingt-sept, le présent accord implique des barrières érigées avec ce qui est aujourd’hui le meilleur partenaire commercial de la Grande-Bretagne. The Economist estime ainsi à 13% la rétractation du commerce britannique d’ici dix ans.


La question de l’union britannique est également ravivée avec ce nouvel accord. Ce dernier envisage des barrières douanières entre l’Irlande du Nord et le « mainland » anglais et donc un possible délitement des liens économiques entre les deux au profit d’une intégration de l’Irlande du Nord à celle de l’Irlande. Des barrières douanières entre les deux Irlande ne feront elles que rendre visible une frontière déjà présente et ainsi exacerber certains ressentiments ensevelis depuis la signature de l’accord de paix du vendredi saint en 1998.


Ce n’est pas la seule partie de l’union qui semble se délier. Depuis le referendum de 2016, l’indépendantisme écossais semble grandissant, les sondages le plaçant à 50% des intentions de votes si un référendum similaire à celui de 2014 devait s’organiser. Alors que les écossais ont voté massivement contre le Brexit en 2016, un prochain vote présenterait ainsi de grands dangers. Pendant ce temps, les Gallois, de loin les plus satisfaits de l’union, se questionnent également sur leur indépendance. Un récent sondage mis en lumière par The Economistsouligne que ce ne sont pas moins de 40% de Gallois qui seraient prêts à quitter la Grande Bretagne si cela signifiait rester dans l’Union Européenne. La survie même du Royaume-Uni semble donc en jeu.

Une fin au Brexit ?


Il reste que l’accord doit être accepté par le Parlement britannique qui jusque-là a rejeté systématiquement les propositions de Theresa May. Boris Johnson peut-il donc réaliser l’impossible ? Les experts sont pessimistes. Les Travaillistes et le DUP (parti démocratique unioniste nord-irlandais) ont déjà annoncé qu’ils voteraient contre, malgré les efforts de Boris Johnson à satisfaire les unionistes dont sa majorité au Parlement dépend. En parallèle, si le Parlement avait accepté de se réunir exceptionnellement samedi 19 octobre pour débattre, le vote a finalement été reporté. La sortie chaotique sans accord n’a jamais été aussi menaçante. La lassitude et l’exaspération des britanniques favorisent également ce scénario alors qu’ils ne cherchent qu’à en finir avec ce qui depuis déjà trois ans les divise. Il y a derrière le Brexit un pays à gouverner. Boris Johnson envisage même en dernier recours un projet de loi pour court-circuiter le Parlement, fragilisant d’autant plus la valeur démocratique du processus qui déjà suscite le retour à la rue des britanniques. L’accord signé promet donc d’engranger des discussions sur la place de la démocratie au sein du système politique britannique.


Même si cet accord est voté, il s’enchainera des années de négociations entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne mais aussi avec les autres grandes zones commerciales mondiales pour signer des accords de libre-échange. Sachant que le Royaume-Uni n’a pas eu à négocier d’accords commerciaux depuis son entrée en 1973 dans l’Union Européenne, le Royaume manque cruellement d’experts compliquant tout projet de « Singapour sur la Tamise » voulu par certains "hard brexiteers". Le spectre du Brexit promet donc de s’étendre au moins jusqu'à la fin de la période de transition mais aussi bien au-delà par ses conséquences commerciales et économiques.


Par Camille Gaborieau

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