La grande énigme de l'économie allemande
- UN'ESSEC
- 6 janv. 2020
- 3 min de lecture

L’Allemagne, autrefois la plus prospère des économies de la zone euro, souffre aujourd’hui de nombreuses difficultés économiques. Si la conjoncture internationale a certainement eu un effet négatif sur ses exportations, il faut aussi remarquer que les politiques structurelles n’ont pas eu les effets escomptés.
L'obsessionnelle orthodoxie budgétaire
Une des caractéristiques de l’économie allemande est sa capacité à toujours garder un faible déficit budgétaire. Autrement dit, les dépenses de l’Etat sont, en pratique, inférieures à ses rentrées. Longtemps l’Allemagne a compté sur ses exportations pour assurer son développement, au détriment de ses partenaires qui ne pouvaient pas autant exporter vers le pays. Les exportations allemandes, en effet, ne contraignaient pas le gouvernement à stimuler la demande intérieure, lui permettant de limiter ses dépenses. Cette politique, cependant, se retourne aujourd’hui contre elle. Les exportations allemandes sont en baisse, ralentissant sensiblement son économie. L’industrie automobile, par exemple, a accusé un recul de 11% de sa production sur les huit premiers mois de 2019.
L’obsession des comptes publics n’est toutefois pas l’unique responsable. Une approche sectorielle nous révèle que des pans entiers de l’industrie allemande ne sont plus nécessairement en phase avec les grandes tendances économiques mondiales. Le virage vers les véhicules électriques a, par exemple, fait perdre des parts de marché aux constructeurs automobiles en Asie. De même, le secteur des biens d’équipements, même s’il souffre d’un ralentissement de la demande en provenance de Chine, est d’abord mis en difficulté par l’évolution vers un monde plus friand de services que de produits industriels.
Un climat peu accommodant
Il faut reconnaître que la République fédérale affronte de forts vents contraires. La guerre commerciale sino-américaine, les soubresauts du Brexit et le resserrement du crédit en Turquie grèvent son économie largement tournée vers l’export. Cependant, c’est surtout le ralentissement de la demande en provenance de Chine qui porte un coup aux exportations outre-Rhin.
En outre, le contexte des taux négatifs dans la zone euro conjugué à une faiblesse de la demande intérieure poussent les entreprises allemandes à moins emprunter pour investir que pour procéder à des placements spéculatifs, par exemple racheter leur propres actions pour faire monter les cours, même lorsque leur véritable rentabilité est bien plus faible.
Une épée de Damoclès
L’Allemagne enregistre une croissance de -0,1% au deuxième trimestre de 2019 et une baisse de la production industrielle de 5,2%. Deux scénarii sont alors envisageables: ou bien la tendance à la baisse se confirme, ou bien l’Allemagne parvient à opérer un renversement.
Ce deuxième cas de figure est plausible pour plusieurs raisons.
La situation budgétaire allemande reste florissante, tant elle a su engranger des excédents depuis de nombreuses années. Aussi, sa dette ne s’élève qu’à 60,9% de son PIB, lui permettant de lancer un plan de soutien à l’activité de 21 milliards d’euros.
En réalité, Angela Merkel pourrait profiter des taux d’intérêts faibles pour emprunter à moindre coût et investir, par exemple, dans les infrastructures, dont on sait aujourd’hui qu’elles sont dans un état critique. Un plan de 50 milliards d’euros serait en conception, mais la seule barrière resterait psychologique, étant donné qu’historiquement les Allemands fustigent les dépenses à tout-va et l’idée du déficit.
Rappelons enfin que dans l’Histoire, l’Allemagne a su se redresser et démontrer sa résilience, que ce soit après la Seconde Guerre mondiale avec le miracle économique allemand, les réformes Hartz de 2003 menées par Gerhard Schröder après une décennie de croissance molle, ou encore la décennie dorée de 2010 suivant la crise des subprimes en 2008-2009.
Par Alexandre Sion
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