Royaume-Uni : quel est l'héritage du mandat de Liz Truss ?
- Esten Chauvin
- 24 oct. 2022
- 3 min de lecture
Le 20 octobre dernier, la première ministre britannique Liz Truss démissionne de son poste de directrice du parti conservateur britannique, après seulement 44 jours à la tête du gouvernement. Bien que bref, son mandat aura été marqué par de nombreuses péripéties et ne restera pas anecdotique.

Liz Truss
L'arrivée au pouvoir de l'héritière de BoJo Diplômée du Merton College d’Oxford en 1996, l’adhésion de Liz Truss au Parti Conservateur n’est pas toujours apparue comme une évidence. Etant issue d’une famille politiquement engagée à gauche, elle dirige même un groupe d’étudiants libéraux-démocrates anti-monarchistes pendant ses études. Après avoir rejoint le parti conservateur dans la fin des années 90, elle est mise en avant par David Cameron qui souhaite améliorer la parité au sein de son parti si bien qu’en 2010 elle est élue députée de la chambre des communes pour la circonscription de South West Norfolk. Liz Truss va alors enchaîner les postes au sein du gouvernement. Elle est successivement secrétaire d’Etat à l’environnement, la justice et le Trésor, puis ministre des Egalités et secrétaire d’Etat au commerce avant de finir secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères. L’ancienne femme de gauche se fait remarquer jusqu’en 2016 comme une fervente opposante au Brexit, elle changera ensuite brutalement de position pour suivre la ligne eurosceptique officielle du parti après la victoire du « oui ». Elue en septembre dernier à la tête de son parti face à un Rishi Sunakconsidéré comme trop centriste en interne, ses promesses de campagne reviennent aux bases du conservatisme britannique.
La débâcle du mandat Truss Pendant sa campagne, Liz Truss a réaffirmé sa volonté d’un renforcement de l’alliance avec les Etats Unis et l’Australie pour faire face à la Chine et la Russie. L’ancienne anti-Brexit s’oppose au développement de nouvelles alliances avec l’UE et va même jusqu’à refuser de décider si la France est amie ou ennemie du Royaume-Uni en interview le 26 août dernier. Le court mandat de Liz Truss est bien sûr marqué par la mort de la reine Elizabeth II le 8 septembre dernier, faisant ainsi de la native d’Oxford la première première ministre du règne du roi Charles III. Cependant, ce n’est pas le deuil national ni le changement de souverain qui a mené Liz Truss à démissionner. Positionnée comme très à droite au sein même de son parti, la première ministre avait nommé des personnalités politiques reconnues comme très conservatrices au sein de son gouvernement comme Jacob Rees-Mogg ou Chris Heaton-Harris au dépit d’autres personnalités conservatrices importantes comme Rishi Sunak, qui avait perdu face à elle l'élection de la présidence du parti.
Truss avait promis lors de sa campagne une ambitieuse réforme fiscale qui devait mener « dès le premier jour » à une baisse des impôts de 45 milliards de livres bénéficiant majoritairement aux plus riches. De même la femme politique avait tranché sur de nombreux débats clivants au sein même de son parti : fin des taxes sur l’énergie servant à financer le développement des énergies renouvelables, volonté de réduire le droit de grève, autorisation de forages pétroliers en mer du Nord. La politique fiscale mise en place par Truss entraîne alors une hausse des taux d’intérêts, des taux d’obligations d’Etat et la livre voit son cours s’effondrer à son niveau le plus bas depuis 1985. Ce séisme financier pousse alors l’économiste Larry Summers, s’inquiétant d’une potentielle aggravation des inégalités, à qualifier ces décisions de « pire politique macroéconomique jamais vue de longue date dans un grand pays ».
Démission et futur de la gouvernance britannique
Démissionnant après seulement 6 semaines de mandat, faisant de celui-ci le plus court de l’histoire du Royaume, Liz Truss n’a pas su faire face à une opposition très critique, aux tensions au sein même de son groupe parlementaire, et à un avis populaire calamiteux, sa côte de popularité étant de seulement 10% en octobre dernier. Néanmoins son court mandat lui permettra ensuite de jouir, comme tous ses prédécesseurs depuis Thatcher en 1991, d’une retraite à vie d’un montant 115 000 livres par an - ce qui scandalise l’opinion publique britannique. Keir Starmer, chef du parti travailliste a notamment déclaré qu’elle « elle a fait 44 jours de mandat […] elle devrait refuser et ne pas le prendre ». Pour le futur de la gouvernance britannique, il reste à voir ce que va donner le mandat de Rishi Sunak, élu pour succéder à Liz Truss. Son gouvernement se positionne sur une ligne de droite mais plus au centre que celui de Truss, et se concentrera sur la soutenabilité des finances publiques britanniques ainsi que sur les difficultés des ménages face à l'inflation qui frappe durement le royaume.
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