Trump face à la justice américaine : un candidat qui sait faire feu de tout bois
- Mathis Diallo
- 19 avr. 2024
- 4 min de lecture
Dans le cadre de l'affaire Stormy Daniels, Donald Trump a comparu ce lundi 15 avril devant la cour pénale de New York. Avant l'ouverture du procès, le candidat républicain aux présidentielles a dénoncé une "attaque contre l'Amérique" et une "persécution politique".

Une audience historique pour un président des Etats-Unis
Le lundi 15 avril, Donald Trump sera le premier président américain de l’histoire à comparaître dans un procès pénal qui se tiendra à New-York, dans une audience présidée par Juan Merchan, juge à la Cour Suprême de New-York. Pour cause : la falsification des documents comptables de la Trump Organization, traitant de l’achat du silence d’une ancienne actrice de films pour adultes avec qui il aurait eu une liaison. La falsification aurait cependant eu lieu lors des derniers jour de sa campagne de 2016, celle l’ayant installé au pouvoir jusqu’en 2020.
Pourtant, dans un contexte d’élections présidentielles américaines d’ici seulement quelques mois, l’ex-président semblait avoir tout mis en œuvre pour retarder cette échéance pour le moins accablante. Recours judiciaire, procédés dilatoires… Cela fait trois ans que le 45ème président des Etats-Unis fait en sorte d’empêcher que cet événement ait lieu. Pour autant, la falsification de documents commerciaux constitue un délit auquel lui-même ne semble pas pouvoir échapper, et il finira, tel un citoyen ordinaire, sur le banc des accusés dès le lundi 15 avril à New-York, dans un procès où il a lui-même annoncé qu’il n’hésitera pas à témoigner.
Par ailleurs, aussi (peu) surprenant que cela puisse paraître, Donald Trump s’est déjà attelé à dénoncer tout un tas de faits à propos de ce procès qui, selon lui et ses partisans, est inéquitable, renforçant l’image d’un martyr qui serait victime de vices de procédure et d’égalité devant la loi. En effet, après avoir mis en évidence que choisir New York, bastion des démocrates, n’était pas un choix arbitraire mais clairement choisi pour lui nuire, il s’est attelé à questionner la crédibilité de tout le corps judiciaire qui serait présent au procès. Du juge à la Cour Suprême de New York Juan Merchan ou bien des douze jurés qui seront présents pour juger en toute impartialité de sa personne, personne n’est épargné, et laisse déjà présager de difficultés qui pourraient se présenter pendant et après le procès.
Une position ambivalente
Cependant, en dénonçant sans cesse une sorte de machination montée contre lui visant à le faire tomber, l’ancien président des Etats-Unis sait tourner à profit les accusations judiciaires à son égard. En effet, si Trump cherche à se faire passer pour « l’homme le plus honnête », victime des stratagèmes vicieux mis en place par le parti démocrate afin d’éviter sa réélection, l’ancien président n’hésite pas à utiliser ses affaires judiciaires comme instrument afin de séduire les foules. En temps normal, de telles affaires peuvent facilement faire échouer des candidats à la présidence : les affaires DSK en 2011 et Fillon en 2017 en sont des exemples parlants. Mais Trump, à l’inverse, a réussi à faire de ces accusations des outils de promotion médiatique, un ciment pour une base électorale qui l’adule, et un argument pour solliciter financièrement ses fidèles partisans MAGA.
Se placer en position de victime est ainsi un de ses tours préférés : le persécuté s’est même tour à tour comparé à un Alexeï Navalny ou à un Nelson Mandela, tous deux des opposants politiques longuement enfermés en prison et réduits au silence alors qu’ils cherchaient à exprimer leurs opinions.
Cependant, le fondateur de Truth Social sait adopter d’autres positions, plus combatives, alors qu’il est en campagne. Il n’a par exemple pas hésité à dénoncer lors d’un meeting politique le comportement jugé lymphatique de Joe Biden à la suite de l’offensive iranienne face à Israël survenue le samedi 13 avril, en réponse à une frappe du gouvernement israélien survenue quelques jours plus tôt. Ainsi, le président ne reste pas éloigné de la vie politique malgré son procès, et les multiples autres affaires qui ont pu le mettre en difficultés ces dernières années. Au contraire, il attaque, dénonce et tente de rallier en faisant des promesses à propos d’une Amérique à laquelle il rendra sa splendeur perdue il y a quatre ans déjà.
Ainsi, on suppose aisément que le candidat aux présidentielles sera sujet à des allers et retours entre le banc des accusés et les estrades de sa campagne durant les mois qui arrivent, tentant de faire de cette situation assez inédite une force, avant le passage aux urnes en novembre prochain.
Un système judiciaire qui questionne
Il semble important de rappeler que rien qu’au cours de l’année 2023, l’ancien président des Etats-Unis a été inculpé dans quatre affaires différentes, pour 91 chefs d’accusation au total. Bien plus, si on comptabilise ceux des années précédentes. Pourtant, toujours aucune condamnation du magnat de l’immobilier et homme d’affaires. Le procès de New York a ainsi ceci de particulier que ce procès pourrait être un des seuls auquel il devrait avoir à faire face dans l’immédiat, les autres arrivant après les scrutins de novembre. Or, si jamais il venait à être réélu, ces autres dossiers attendraient encore de nombreuses années.
Par ailleurs, il y a la question d’une certaine immunité présidentielle. Les actes de l’ancien président en 2021, lors de l’épisode du Capitole, doivent être examinés par une Cour Suprême qui statuera à la fin du mois de juin sur l’immunité pénale ou non de Donald Trump lors de cet événement. Le résultat pourrait être en sa faveur, et serait un des signes qui montreraient que des failles non négligeables existent au cœur de la justice américaine.
De plus, les interférences de l’ancien président ne s’arrêtent pas là. Plusieurs enquêtes dans lesquelles le candidat aurait pu être mis en examen s’essoufflent. C’est par exemple le cas de l’enquête en Géorgie, traitant de la manière dont l’ex-président avait tenté de manipuler le résultat des élections pour se maintenir au pouvoir en 2020. Cette enquête a été grandement fragilisée après que l’ancien président se soit mêlé de l’affaire pour discréditer le procureur en charge de l’affaire en mettant en lumière certains événements de sa vie privée.
Ainsi, nul ne sait à quoi ressemblera le visage politique américain après les élections qui se tiendront novembre prochain. Cependant, une chose est sûre : il faudra compter sur les agissements d’un ancien président prêt à tout pour récupérer un statut qu’il pense lui revenir légitimement, avec une manière de procéder sûrement en désaccord avec certains principes démocratiques, dont les définitions aux États-Unis sont aujourd’hui toujours plus floues.
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