2024 : La course spatiale s’intensifie, la Lune au coeur des ambitions mondiales
- Ilyes Ben Rbia
- 1 avr. 2024
- 5 min de lecture
Le 15 février 2024, une société américaine a envoyé son alunisseur vers la Lune à bord d’une fusée SpaceX. Cette mission s'inscrit dans le cadre de la mission Artemis de la Nasa. L’année s’annonce remplie d’activités avec des lancements et missions planifiées par la Chine, l'Inde, les Etats-Unis ou encore l’Europe. Avec l’essor des expéditions habitées, la prospection de ressources minérales et les projets de stations lunaires durables, l’exploration de la Lune est devenue une priorité dans les stratégies spatiales des pays. Quelles sont les ambitions des leaders de cette nouvelle ère spatiale ?

La mégafusée Starship de SpaceX peu avant son troisième décollage test le 14 mars dernier.
Les États-Unis : un nouveau modèle public-privé pour les missions lunaires
En janvier, The Wall Street Journal publiait un article avec pour titre "La NASA fait appel au secteur privé pour ses missions lunaires de 2024". Le journal a rapporté que l'agence spatiale américaine allait désormais confier la conception et le lancement des atterrisseurs au secteur privé, une décision sans précédent. La Nasa, célèbre pour son programme Apollo ayant mené au premier alunissage de l’histoire, prévoit de passer du statut de fournisseur à celui de client. Le récent alunissage réussi d’Intuitive Machines vient marquer le premier succès de ce nouveau modèle public-privé de la NASA.
Néanmoins, cette dernière a récemment annoncé le report d’un an de la mission Artemis 2, dont l’objectif principal est qu’un équipage fasse le tour de la Lune sans y atterrir, et de la mission Artemis 3 qui ramènera des astronautes sur la Lune pour la première fois depuis 1972. Les États-Unis réussiront-ils le même exploit plus de 50 ans après le programme Apollo ?
La Chine et son objectif 2030 pour la conquête lunaire
Pendant ce temps, la Chine annonce avec enthousiasme ses ambitions lunaires, visant à faire alunir un citoyen chinois d'ici 2030. Le bureau chinois d'ingénierie spatiale habitée a récemment dévoilé les détails de ses nouveaux vaisseaux, Mengzhou et Lanyue. Mengzhou, un vaisseau réutilisable, pourra transporter jusqu'à trois taïkonautes entre la Terre et l'orbite lunaire. Quant à Lanyue, le vaisseau de 26 tonnes pourra accueillir deux taïkonautes et un rover lunaire. Les plans incluent également la construction d'un centre de vie lunaire pour les taïkonautes, un centre énergétique et un centre de données.
Depuis le lancement de son projet d'exploration lunaire en 2004, la Chine a progressivement atteint tous ses objectifs. De Chang'e 4, la première sonde spatiale à se poser sur la face cachée de la Lune en janvier 2019, à Chang'e 5 qui a rapporté des échantillons lunaires en décembre 2021, la Chine s'affirme comme un acteur majeur de l'exploration spatiale.
La course à la Lune entre les États-Unis et la Chine est donc bien lancée.
L’Inde : une exploration spatiale remplie d’ambition
Le programme spatial indien est, comparé à celui de la Chine et des États-Unis, caractérisé par son réalisme. Ce réalisme a été montré en août 2023 avec la mission Chandrayaan-3 grâce à laquelle l’Inde a réussi à poser un module sur le pôle sud de la Lune qui n’a jamais été exploré auparavant. Narendra Modi l’a décrit comme « une journée historique ».
L’Inde dispose d’avantages comparatifs, comme le fait d’être qualifié de « low-cost » pour ses missions spatiales. Par exemple, le budget de la mission Chandrayaan-3 s’élève à seulement 69 millions d’euros, soit beaucoup moins que les budgets habituels que ces missions exigent. En plus de ces avantages concurrentiels, l’Inde possède également une vision à long terme bien définie et précisée par le président de l’Organisation indienne de recherche spatiale (ISRO), une organisation fondée en 1969 avec un maigre budget et maintenant comparée aux grandes puissances.
La "nouvelle quatrième superpuissance spatiale" n’a pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin et parle déjà de nouveaux jalons comme placer un objet en orbite autour du soleil avec l’aide de la sonde Aditya-L1 ou encore envoyer un astronaute indien sur la Lune d’ici 2040.
Cependant, l’Inde devra surmonter de nombreux obstacles pour s’asseoir aux côtés des grandes puissances spatiales. Le pays reste sous-développé sur de nombreux aspects et le budget qu’il alloue à la conquête spatiale reste nettement inférieur à celui des autres puissances. Il est par exemple 12 fois moins important que celui de la NASA.
Le Japon émerge dans la course lunaire
Après la réussite de l’Inde, c’est le Japon qui est récemment entré dans l’histoire. Le succès de l’alunissage du module Slim par l’agence spatiale japonaise, la Jaxa, le 20 janvier 2024, marque un tournant significatif. Il s’agit du premier alunissage réussi pour le Japon ce qui en fait le cinquième pays ayant accompli une telle prouesse. Cet exploit est symbolique pour le Japon. En effet, le pays a connu de nombreux échecs ces dernières années. La Jaxa avait déjà tenté de poser une sonde sur la Lune embarquée à bord de la mission Artemis 1 sans succès et elle a connu plusieurs déboires en relation avec ses lanceurs l’an dernier. C’est dans ce sens que le président de la Jaxa, Hiroshi Yamakawa, a déclaré que l’agence allait se ressaisir pour « rétablir la confiance dans la technologie des fusées japonaises ». Outre sa valeur symbolique, cet exploit revêt une importance stratégique à long terme, surtout dans un contexte où aucun traité ne régit encore l’exploitation des ressources lunaires.
Dans cette course internationale, le Japon, qui fait partie du programme américain Artemis, renforce son influence en soutenant l’exploration lunaire et en encourageant les initiatives privées.
La Russie : une perspective réorientée vers 2027
Le 11 août 2023, après une attente de 47 ans depuis la mission soviétique Luna 24 en 1976, Roscosmos a lancé Luna 25 avec pour but de se poser au pôle Sud de la Lune et d'explorer les possibilités de présence d'eau. Malheureusement, l'agence spatiale russe a annoncé le 20 août la perte de sa sonde suite à une collision avec la surface lunaire.
Deux mois plus tard, lors du 14ème symposium international sur les recherches sur le système solaire à Moscou, le directeur scientifique du programme lunaire russe, Lev Zeleny, a souligné que malgré cet échec, certains objectifs scientifiques ont été atteints grâce aux tests réussis des instruments scientifiques de la sonde et il est confiant que l’orbiteur Luna 26 arrivera d’ici 2027.
Émirats Arabes Unis : des projets ambitieux et variés
Désormais installés dans le paysage spatial international, les Émirats Arabes Unis souhaitent devenir le chef de file des puissances spatiales émergentes. Le président du Centre spatial des Émirats arabes unis Salem Al-Marri, a exprimé des objectifs audacieux incluant l'exploration de Mars et de la Lune. Ce dernier n’a aussi pas manqué de vanter le dynamisme de son équipe composée de 250 Émiratis, comme le rapporte le journal émirati Al-Khaleej. Ces ambitions font partie intégrante de la stratégie de diversification économique entreprise par le pays depuis quelques années.
Par ailleurs, les Émirats Arabes Unis misent aussi sur la coopération pour atteindre leurs objectifs. Le pays a signé en novembre un accord avec une université nationale et la Chine pour établir une base permanente sur la Lune d'ici le milieu des années 2030. De plus, un accord avec les Américains a été conclu début janvier pour la création d'une station spatiale appelée Gateway. Cette station est destinée à être placée en orbite lunaire pour permettre ainsi les voyages spatiaux et éventuellement les expéditions vers Mars.
À court terme, les Émirats Arabes Unis ont pour objectif de lancer un engin spatial en 2024 dans l'espoir de faire partie des rares pays qui ont réussi à alunir sur la Lune. Ce projet, baptisé Rashid Rover 2, a été annoncé après l'échec d'une première mission en avril 2023, où l'engin s'était malheureusement écrasé sur la surface lunaire. À long terme, le pays souhaite faire du spatial un véritable vecteur de puissance diplomatique en déployant sa Payload Hosting Initiative. Ce partenariat en collaboration avec l’ONU permet à des start-up, universités ou puissances spatiales naissantes d’embarquer leurs charges utiles à bord de petits satellites développés par les Émirats. Il offre ainsi une opportunité unique à ces nouveaux acteurs de mettre un pied dans le spatial.
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