COP 29 : Des avancées limitées et une inefficacité persistante, vers une réforme du multilatéralisme climatique ?
- Bastien Vitally
- 2 déc. 2024
- 4 min de lecture
La COP 29, qui s'est achevée la semaine dernière, a été particulièrement critiquée, notamment en raison de l'absence de grands leaders mondiaux tels qu'Emmanuel Macron, Joe Biden ou Xi Jinping. Malgré cela, deux avancées majeures ont été conclues lors de cette conférence, marquant des progrès significatifs dans la lutte contre le changement climatique.
Cependant, ces avancées seront-elles réellement mises en pratique? Bien que de nombreuses mesures aient été prises lors des récentes COP, leur mise en œuvre effective reste un défi. Certaines décisions disparaissent même d'une année à l'autre, à l'instar de la sortie des énergies fossiles, qui, bien que reconnue comme un enjeu majeur lors de la COP 28, n'a pas fait l'objet de mention explicite cette année. Cette absence soulève des doutes quant à la réelle volonté des parties prenantes d'agir.
L'échec apparent de la COP 29 met également en lumière les limites actuelles du multilatéralisme. En effet, la COP et, plus largement, les instances de collaboration mondiale, semblent peiner à atteindre leurs objectifs ambitieux. Face à ce constat, il devient crucial de repenser le cadre de ces instances. Plusieurs économistes ont proposé des solutions intéressantes et innovantes parcourues dans la suite de cet article.

Pendant la COP 29 à Bakou, des ONG ont protesté contre l'insuffisance de l'aide accordée aux pays du Sud.
Quels progrès, pour quelles limites ?
Revenons d’abord sur les événements marquants de cette COP 29. Tout d’abord, soulignons l’absence de nombreux grands dirigeants à ce sommet. Selon Gaïa Febvre, responsable des politiques internationales au Réseau Action Climat, « le multilatéralisme n’est plus celui de 2015 ». La COP 29, qui s’est tenue à Bakou du 11 au 22 novembre, s’est déroulée dans un contexte international tendu, marqué par la fragmentation des États, les conflits en Europe et au Moyen-Orient, et la montée des discours populistes et climatosceptiques, notamment aux États-Unis et en Argentine. Cette situation a contribué aux absences notables d’Ursula von der Leyen, Emmanuel Macron, Joe Biden ou Xi Jinping. En comparaison, la COP 28 à Dubaï avait permis des avancées historiques, notamment grâce à un accord sur la transition hors des énergies fossiles et la création du fonds « pertes et dommages ». La COP 29, qualifiée de « COP des financements », visait à concrétiser les engagements financiers issus de ces accords.
Par ailleurs deux accords majeurs en sont ressortis. Le premier, adopté dès l’ouverture, porte sur la mise en place d’un nouveau marché carbone, débloquant ainsi les négociations sur l’Article 6 de l’Accord de Paris, restées en suspens pendant près d’une décennie. Ce nouveau cadre impose aux porteurs de projets d’évaluer et d’atténuer les impacts environnementaux et sociaux de leurs activités et de démontrer leur contribution aux objectifs de développement durable. Le second accord, conclu après prolongation des discussions, porte sur le « nouvel objectif collectif quantifié » (NCQG), destiné à renforcer la solidarité financière du « Nord global », de l’annexe I, envers les nations du « Sud global ». Alors que les pays du Sud réclamaient 1 300 milliards de dollars, les parties à la conférence se sont finalement entendues sur un quantum de 300 milliards de dollars. Les détails de ces financements, qu’il s’agisse de leur format (prêt ou don) ou de leur origine (publique, privée, multilatérale, bilatérale), devront être précisés lors des négociations intermédiaires à venir.
A la suite de ces accords, les critiques n’ont pas manqué, à commencer par la France, qui a déploré l’aide apportée aux pays du Sud comme n’étant « pas à la hauteur des enjeux ». Ajustée à l’inflation, la somme de 300 milliards de dollars équivaut presque à celle des 100 milliards promis en 2009, d’après les membres du groupe Afrique. Plusieurs États ont, en outre, critiqué la nature de ces financements, notamment l’octroi partiel sous forme de prêts, qui risque d’exacerber la crise de la dette frappant les économies du « Sud global ». Pour montrer leur mécontentement, les pays les plus vulnérables ont quitté avec fracas une négociation lors des prolongations de la COP, afin de protester contre l’accord proposé, bien en dessous de leur demande d’aide financière.
Autre grande critique faite à cette COP : l’absence de mention explicite sur la sortie des énergies fossiles, pourtant un acquis majeur de la COP 28. Celle-ci a également suscité des frustrations au sein de certains groupes, dont les pays de l’Union européenne. Cette omission s’explique en partie par la position affichée dès l’ouverture de la conférence par le président azerbaïdjanais Ilham Aliev, qui a affirmé que « le pétrole et le gaz sont un cadeau de Dieu »
Des COP déjà obsolètes ?
Face aux critiques, les avancées des COP semblent particulièrement limitées. L'efficacité de ces conférences est plus que jamais remise en question. La COP 29 apparaît davantage comme une vitrine pour les pays producteurs de pétrole, utilisée pour améliorer leur image et faire du greenwashing. Ce phénomène n’est pas nouveau : lors de la COP précédente aux Émirats, des informations avaient fuité concernant des négociations secrètes sur des accords pétroliers pendant la conférence. Ces éléments soulèvent des questions sur l'efficacité réelle des COP, d'autant plus renforcées par l'absence de nombreux dirigeants cette année. En effet, bien que des accords aient été pris au fil des ans, les progrès restent timides par rapport à l'ampleur de la tâche. L'exemple le plus frappant est la proximité rapide de la limite de réchauffement de 1,5°C (atteignant déjà +1,3°C en 2023).
Mais alors, comment repenser ce cadre ? Plusieurs économistes ont réfléchi à cette question. Aujourd’hui, la principale difficulté réside d'abord dans l'obtention d'un consensus, puis dans l’application effective des règles, ce qui nécessite de mettre en place des mécanismes de sanctions pour les pays qui ne respectent pas leurs engagements. Cependant, pour garantir cette application, il faudrait sans doute que les pays renoncent à une partie de leur souveraineté pour renforcer l’autorité de la COP ou d’un autre organisme international. Ce scénario semble impensable aujourd’hui.
Pour contourner ce problème de consensus, Mehdi Abbas (dans son ouvrage Comment réformer l'OMC, 2020) propose une approche intéressante pour l'OMC, qui pourrait être adaptée aux COP. Il suggère que des discussions bilatérales aient lieu entre les pays au sein de l’OMC pour négocier des accords spécifiques. Ces accords pourraient ensuite être élargis progressivement, en fonction de leur efficacité. Cette approche pourrait permettre de surmonter l'impasse actuelle des COP, en initiant des actions concrètes sans attendre un consensus total. Cette solution permettrait de faire face à un multilatéralisme faiblissant dans ce contexte de tensions internationales.
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