Brésil, la démocratie plus faible que jamais ?
- Anaëlle Jollivet
- 23 janv. 2023
- 3 min de lecture
Le 30 octobre 2022, Luiz Inacio Lula da Silva, dit Lula, est élu président du Brésil avec 50,90% des voix face au président sortant Jair Bolsonaro. Son élection marque le retour au pouvoir de la gauche au Brésil après 4 ans d’extrême droite. Déjà président de 2003 à 2011, l’investiture de Lula le 1er janvier marque son retour après de longues années pendant lesquelles il a été accusé de corruption et de blanchiment d’argent. Cependant, le 8 janvier, une semaine plus tard, des militants d’extrêmes droites tentent de s’emparer des hauts lieux de la démocratie brésilienne, attaque non sans rappeler celle du Capitole deux ans auparavant.

Une attaque violente
Ce dimanche 8 janvier, le chaos aura duré plus de 4 heures à Brasilia. Des centaines de militants pro-Bolsonaro ont tenté de s’emparer du Congrès, de la cour suprême ainsi que du palais présidentiel du Planalto. Ces trois lieux représentent les trois pouvoirs que sont le législatif, le judiciaire et l’exécutif.
Les manifestants refusent de reconnaitre l’élection de Lula. Des affrontements ont eu lieu entre les manifestants et la police et des centaines de personnes ont été arrêtées. Les dégâts sont considérables : vitres cassées, œuvres d’art endommagées, bâtiments tagués avec des revendications telles que « Suppression des trois pouvoirs ».
Si Bolsonaro a fini par dénoncer l’attaque après plusieurs heures, son départ pour les Etats-Unis à la veille de l’investiture de Lula laisse penser que son comportement n’a pas aidé. Certains alliés du président sortant ont tenu à se désolidariser.
Une démocratie jeune menacée
La démocratie brésilienne apparait après cette attaque comme plus faible que jamais. Des milliers de personnes se sont réunies à Sao Paulo pour défendre la démocratie. Il est d’ailleurs nécessaire de rappeler que la démocratie brésilienne est jeune, la dictature militaire s’est terminée en 1985. Le Brésil a donc des institutions encore relativement fragiles.
Le gouvernement brésilien lui-même a tenu à rappeler la nécessité de protéger la démocratie. Le ministre de la Justice, Flavio Dino a qualifié l’action de terrorisme putschiste, tout en affirmant que les militants ne parviendraient pas à « détruire la démocratie ». Lula s’est également exprimé sur Twitter.
Certains manifestants demandaient depuis plus de deux mois une intervention militaire pour empêcher l’investiture de Lula, ce qui rappelle les heures sombres de la politique brésilienne. L’une des informations inquiétantes est probablement le fait que la police militaire du district de Brasilia, forte de 10 000 hommes, était au courant des risques d’invasion et n’a rien fait pour arrêter cela. Le gouverneur du district fédéral, Ibaneis Rocha a, à plusieurs reprises, refusé de bloquer l’accès aux institutions comme demandé par le ministre de la Justice. Proche de Bolsonaro, il n’est pas le seul à être accusé de connivence. Plusieurs policiers militaires ont été filmé en train d’escorter les manifestants jusqu’à la place des Trois Pouvoirs.
L’ex-gouvernement directement responsable ?
L’attaque rappelle celle qui avait eu lieu deux ans auparavant à Washington à la différence que les locaux étaient cette fois vides. Le point commun entre les deux attaques est probablement qu’elles font suite au départ de l’extrême droite du pouvoir et la difficulté à trouver les véritables coupables.
La cour suprême a commencé une enquête dans laquelle Bolsonaro lui-même est soupçonné. L’une des raisons est sa dénonciation d’irrégularités (non reconnues par la communauté internationale et par les hautes autorités brésiliennes) à la suite de la présidentielle. Le gouverneur du district fédéral de Brasilia a lui été suspendu de ses fonctions et une enquête est en cours. De nombreux membres du gouvernement de Bolsonaro sont aujourd’hui sous investigations ce qui témoigne des soupçons des enquêteurs quant à l’implication directe du parti d’extrême droite dans cette attaque. Anderson Torres, ancien ministre de la Justice a même été arrêté le 14 janvier. Cette arrestation fait suite à des révélations, en effet Torres aurait prévu de créer une commission de régulation électorale pour remplacer l’actuelle TSE (Tribunal supérieur électoral) afin de contrôler les élections de 2022. C’est lors de la perquisition chez un des membres du gouvernement qu’un projet de décret visant à annuler l’élection de Lula a été retrouvé. La création d’une telle autorité est jugée anticonstitutionnelle par de nombreux juristes et pourrait être la preuve de la préparation d’un coup d’état. La démocratie brésilienne semble avoir été affaiblie par les quatre années d’extrême droite qui viennent de passer. Il est donc nécessaire que le mandat de Lula soit refondateur pour éviter le pire dans quatre ans.
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