top of page

Burkina Faso : la France en posture délicate

  • Émilie Guillaumont
  • 30 janv. 2023
  • 3 min de lecture

Le 23 janvier, le gouvernement militaire d’Ibrahim Traoré exige le départ des troupes françaises installées au Burkina Faso depuis 2011. Quelques jours plus tard, le 26 janvier, la ministre des Affaires étrangères rappelle Luc Hallade, l’ambassadeur de France au Burkina Faso.

Ces deux décisions témoignent d’une relation franco-burkinabé dégradée et d’un sentiment anti-français grandissant…





La position délicate de la France et de son armée en Afrique de l’Ouest

La semaine dernière, la junte militaire au pouvoir au Burkina Faso a demandé le départ des quatre cents soldats français des forces spéciales basées à Ouagadougou dans un délai d’un mois.

Si cette décision ne signe pas forcément la fin des relations entre les deux pays, elle souligne une réelle volonté d’affirmation de souveraineté de la part du Burkina Faso dans un certain nombre de domaines, en particulier dans le domaine sécuritaire. En effet, dès son arrivée au pouvoir par coup d’État fin septembre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré avait affirmé que le « combat pour la souveraineté » était engagé et s’était ainsi donné pour objectif « la reconquête du territoire occupé par des hordes de terroristes ». Alors que 40% du territoire burkinabé n’est plus sous le contrôle du pouvoir central et que le pays compte plus de 2 millions de déplacés (environ 10% de la population), le gouvernement multiplie les déclarations, qui sous prétexte de défense de la patrie, invitent à lutter contre le djihadisme en faisant appel aux volontaires de défense burkinabés, notamment sans l’aide de la France.

Les événements des semaines passées rappellent les crises qui ont eu lieu les années précédentes dans les pays francophones de la région comme le Mali ou la République Centrafricaine. En 2022, les soldats français avaient en effet déjà été forcés à quitter ces deux pays où les influences étrangères émergent rapidement.

Une France encore perçue comme trop coloniale ?

Pour comprendre les dynamiques observées aujourd’hui, il faut s’intéresser aux raisons de la présence française dans la région. Une présence qui remonte à la fin du XIXème siècle et qui n’a en réalité pas connu de véritable fin marquée en 1960 avec l’indépendance des pays de l’AOF (Afrique occidentale française) et de l’AEF (Afrique équatoriale française). La guerre froide sert de justification pour permanence de la présence française au Sahel, qui vaut l’apparition d’expressions comme le « pré carré » pour se référer à la région.

Fin 2017, Emmanuel Macron avait été applaudi par l’opinion burkinabé, notamment des étudiants après avoir affirmé sa volonté de rompre avec une vision postcoloniale et prétendu parler d’égal à égal avec les Africains. Cinq ans après, son ambition de « nouveau partenariat décomplexé » semble être totalement dépassée.

En témoignent les nombreuses manifestations pendant le mois de janvier contre la présence française. Les Burkinabés accusent la France de s’immiscer dans les affaires internes du Burkina Faso. Le ressentiment des Burkinabés contre la politique française est en partie basé sur les actions passées de la France telles que le rôle trouble de Paris dans l’assassinat de Thomas Sankara (1987) ou le soutien français à Blaise Compaoré complice du crime, qui a été maintenu au pouvoir pendant 27ans.

L’affirmation de la Russie au Burkina Faso

Aujourd’hui, la remise en question et le rejet de la présence française apparait comme étant intrinsèquement corrélée à l’influence grandissante dans la région. La population est très méfiante vis-à-vis de l’armée française et considère l’intervention française comme un échec. Certains accusent même l’armée française de ne pas avoir combattu le djihadisme mais au contraire d’avoir aidé les terroristes à se développer. La propagande russe utilise alors ce sentiment anti-français grandissant pour s’affirmer et l’alimente en diffusant des vidéos dans lesquelles les Français sont présentés sous l’apparence de rats ou de zombies, figures emblématiques de l’invasion et de l’imposture.

Ainsi la Russie semble vouloir s’installer au Sahel au détriment de la France et un certain nombre de pays tels que le Mali ou la Guinée semblent déjà séduits. Pour se défendre, les armées africaines reçoivent des munitions de la société militaire privée russe Wagner. On ne sait pas si elle est déjà présente au Burkina Faso mais selon un certain nombre de chercheurs ce n’est pas improbable. Des liens sont d’ores et déjà visibles entre le Burkina Faso et la Russie comme en témoigne par exemple la visite récente du Premier ministre burkinabé à Moscou.

Comments


Ajouter un titre.png

Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir nos dernières publications

  • LinkedIn
  • instagram
  • facebook

©2023 by La UN'e.

bottom of page