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La peine de mort en République Démocratique du Congo : entre droits humains et souveraineté nationale

  • Bastien Vitally
  • 20 janv.
  • 4 min de lecture

La question de la peine de mort en République Démocratique du Congo illustre les tensions profondes entre traditions juridiques, pressions internationales et désir de réforme interne. La RDC, déchirée par des décennies de conflits armés et de crises politiques, est à présent confrontée à des défis majeurs en matière de droits humains. Alors que certains considèrent la peine de mort comme un outil de dissuasion et de justice, tels que le ministre de la Justice Constant Mutamba, d'autres la voient comme une pratique incompatible avec les principes fondamentaux des droits de l'homme, tels que les ONG de défense des droits humains. Pourtant, la peine de mort semble avoir ressurgit dans le paysage politique de la RDC. Alors, pourquoi ce changement soudain, après deux décennies de moratoire ?



La peine de mort en République Démocratique du Congo : entre droits humains et souveraineté nationale
La peine de mort en République Démocratique du Congo : entre droits humains et souveraineté nationale

Une peine réintroduite dans le système juridique après des décennies de statu quo

Officiellement, la République Démocratique du Congo est pour l’abolition de la peine de mort. La dernière exécution remonte à 2003, date à laquelle le gouvernement congolais a imposé un moratoire sur les condamnations à mort. En RDC, la peine de mort était inscrite dans le cadre juridique, mais son application a été suspendue pendant plusieurs années. Les condamnations à mort ont continué d'être prononcées, mais le moratoire sur les exécutions instauré en 2003 empêchait l’application de cette condamnation. Cette suspension résultait en partie des pressions exercées par les organisations internationales et des engagements pris par l’État congolais en faveur des droits humains. Toutefois, le maintien de la peine capitale dans le Code pénal reflète un attachement à une certaine forme de justice rétributive, souvent perçue comme nécessaire pour lutter contre des crimes graves tels que les actes terroristes, les massacres et les viols collectifs. En effet, en mars dernier, la RDC a rétabli la peine de mort après deux décennies de suspension. Les condamnations à mort ont augmenté depuis lors. De plus, le pays est confronté à des pressions internes, notamment de la part de l’opinion publique, qui demeure majoritairement favorable à la peine de mort dans un contexte de forte insécurité. Par exemple, des événements récents dans la région de l’Ituri, où des gangs armés commettent des exactions massives contre les populations civiles, renforcent les appels à des mesures punitives exemplaires.



Le retour de la peine de mort dans la lutte contre le grand banditisme

Déjà, en septembre dernier, trente-sept hommes avaient été condamnés à mort à la suite de la tentative de coup d’État lancée en mai. Depuis, le ministre de la Justice s’est engagé dans une bataille juridique pour lutter contre les Kulunas.


Kuluna, qui veut dire grand banditisme urbain en RDC, désignent les jeunes gens organisés en bande et qui ont pour objectif de voler et de blesser avec des armes blanches, généralement des machettes, couteaux et pierres. A Kinshasa et dans beaucoup d'autres villes en RDC, les habitants n’osent plus rester dehors après 20 heures. Ces jeunes justifient leurs actes par le fait qu'ils n'ont pas de travail, et se tournent donc vers des exactions et des crimes. La plupart d’entre eux sont récidivistes et ont déjà fait de la prison à plusieurs reprises. Mais, dès qu'ils sortent de prison, ils recommencent les actes de grand banditisme et s'attaquent aux honnêtes citoyens, déplore le ministre de la Justice, Constant Mutamba. Ainsi, dans l’optique de lutter contre cette insécurité dans le pays, le ministre de la Justice a décidé de lever le moratoire sur la peine de mort. C’est pourquoi la population a ovationné le ministre de la Justice lors de son trajet entre les différentes prisons du pays, espérant que ces nouvelles mesures mettront fin à l’insécurité dans les grandes villes du pays.


 Plus de trois-cents kuluna ont déjà été arrêtés et condamnés lors de onze audiences.

Cent-vingt-sept sur les trois-cents jugés ont été condamnés à mort. Les autres ont été condamnés à des peines de cinq, dix ou vingt ans. La procédure pour un procès équitable conforme aux lois aurait été respectée, selon le ministre de la Justice.


Les réactions nationales et internationales

D’un côté, dans le pays le soutien au retour de la peine de mort est assez majoritaire, de l’autre côté, les réactions internationales ne se sont pas fait attendre. Amnesty International a exhorté les autorités de la République Démocratique du Congo (RDC) à mettre fin aux projets d'exécutions massives concernant une centaine de détenus condamnés à mort. L'organisation de défense des droits de l'homme a également dénoncé le transfert de ces détenus vers la prison d’Angenga, située dans le Nord-Ouest du pays, en raison de conditions de détention qualifiées de déplorables et inhumaines.


« L'annonce de ces transferts est absolument consternante. Nous craignons des exécutions imminentes, dans un contexte de manque d'informations fiables sur le statut des condamnés », a déclaré la Directrice régionale adjointe pour l'Afrique de l'Est et australe d'Amnesty International. L'organisation demande que les détenus soient transférés vers des établissements où ils pourraient bénéficier d’un accès aux avocats, à leurs familles et aux organisations de défense des droits humains.


De son côté, le ministre de la Justice a annoncé la construction d'une nouvelle prison centrale à Kinshasa, prévue pour accueillir 20 000 détenus, ainsi que d'autres infrastructures carcérales à Kisangani, Goma, Bukavu et Sake. Ces projets visent, selon le ministre, à désengorger les prisons surpeuplées et à améliorer les conditions de détention. Le ministre de la Justice a également salué une baisse du banditisme à Kinshasa grâce à ces mesures.


Conclusion

M. Peter Ngomo Milambo, avocat au barreau de la Cour d'Appel de Kinshasa-Gombe, estime que l'exécution de ces jeunes est peu probable, car elle constituerait une grave violation des droits de l'Homme. Selon lui, cette condamnation vise davantage à les intimider en raison des crimes et atrocités qu'ils commettent dans les grandes villes du pays. Il souligne également que ces jeunes n'ont été condamnés qu'en première instance, ce qui signifie que le processus juridique pour aboutir à une éventuelle exécution sera long. M. Milambo rappelle que, conformément à l'article 61 de la Constitution de la RDC, toute personne conserve le droit de faire appel, même en cas de condamnation à mort.


La peine de mort a donc bien été rétablie dans le pays, mais il s’agirait davantage d’une forme de dissuasion que d’une utilisation réelle de cette condamnation.

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