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Henry Kissinger, dernier grand diplomate du XXe Siècle

  • Sabine Sevaistre
  • 12 déc. 2023
  • 4 min de lecture

La disparition de Henry Kissinger à l'âge de 100 ans laisse un vide immense sur la scène internationale. Il fut l'un des maîtres de la politique étrangère des Etats-Unis au XXe siècle, mais également l'un des grands théoriciens des équilibres du monde, entre diplomatie et “realpolitik”. Malgré ses réussites, son héritage reste controversé. Retour sur la vie du “dernier grand diplomate”.



Henry Kissinger



Un Parcours Exceptionnel : De l'Allemagne à l'Amérique, entre fuite et engagement

Henry Kissinger, figure emblématique de la diplomatie américaine, naît à Fürth en Bavière en 1923. Quelques mois avant la « Nuit de cristal » en 1938, il a quitté l'Allemagne à l'âge de 15 ans avec ses parents pour l'Amérique. Installé aux États-Unis à l'âge de 15 ans, il travaille dans une usine pendant la journée et suit des cours la nuit. Sa vie prend un tournant décisif en 1943 lorsqu'il s'engage dans un programme spécial de la 84e division d'infanterie pendant la Seconde Guerre mondiale. Grâce à sa connaissance de l'allemand, il participe à la dénazification de l'Allemagne sous la tutelle de Fritz Kraemer, un universitaire réfugié allemand, qui l'encourage à s'inscrire à Harvard après sa démobilisation.

En 1950, Kissinger obtient brillamment sa licence en sciences politiques à Harvard, marquée par une dissertation élogieuse sur la diplomatie de Metternich, le chancelier impérial d'Autriche qui visait à maintenir l'ordre établi en éliminant toute tentative de le remettre en question. « Une leçon qui n'a pas été perdue pour Kissinger », précisait Theodore Draper dans le « New York Times » en 1992. Bismarck, le chancelier allemand, figure aussi parmi les grandes influences de Kissinger, qualifiant ces hommes de « remarquables manipulateurs de l'équilibre des forces » dans un ouvrage récent. Plus tard, il trouve inspiration chez Raymond Aron, déclarant à Dominique Moïsi que ce dernier est son « maître à penser », une reconnaissance exprimée lors de la présentation d'une lettre d'introduction du philosophe historien français.


Ascension dans l’arène politique américaine et sur la scène internationale

Henry Kissinger, figure éminente de la diplomatie américaine, a marqué l'histoire politique du XXe siècle par ses engagements et son rôle influent. En 1957, tout en enseignant à Harvard, il fait ses débuts en tant que théoricien avec son premier ouvrage, "Nuclear weapons and foreign policy". Ce livre annonce déjà les grandes lignes de sa vision pour les affaires internationales, soulignant le défi pour les États-Unis de concilier la démocratie, la certitude morale et la prise de risques mesurée.

En 1964, Kissinger s'engage activement dans la campagne de Nelson Rockefeller pour les primaires républicaines présidentielles, bien que cette tentative se solde par un échec. C'est lors de cette campagne qu'il rencontre Nancy Maginnes, qui deviendra sa deuxième épouse. Ce moment marque un tournant personnel dans sa vie, avec des implications qui vont au-delà du domaine politique.

La guerre du Vietnam constitue un autre tournant crucial dans la carrière de Kissinger. En 1964, après une mission sur le terrain, il formule des conclusions pessimistes sur les objectifs américains dans cette région asiatique. Cette analyse attire l'attention et contribue à son ascension politique. En 1969, il est nommé conseiller à la Sécurité nationale par le président Richard Nixon. En 1972, il orchestre la visite historique de Nixon en Chine, amorçant une nouvelle ère dans les relations sino-américaines et mettant en œuvre la stratégie de "triangulation" vis-à-vis de l'URSS. Puis, il est nommé secrétaire d'État en 1973. Ces fonctions, qu'il occupe jusqu'en 1977, marquent une période où il joue un rôle clé dans les réussites diplomatiques majeures de Nixon, notamment l'ouverture à la Chine et la fin de la guerre du Vietnam.


Héritage ou controverses ?

Bien que Kissinger ait été l'architecte de réussites diplomatiques majeures, telles que l'ouverture à la Chine et la fin de la guerre du Vietnam, son héritage est entaché par des controverses. Son rôle dans la politique de détente avec l'Union soviétique et la Chine contraste avec son soutien au général putschiste Augusto Pinochet au Chili, après le coup d'État de 1973. Son passage en Amérique latine laisse une empreinte obscure, notamment avec le plan Condor des dictatures militaires.

Les critiques morales à son encontre s'intensifient au fil des années. Les scandales liés à ses actions au Vietnam, au Chili, et à l'invasion du Timor oriental contribuent à ternir son image. Les livres tels que "Les Crimes de Monsieur Kissinger" de Christopher Hitchens et "The Flawed Architect" de Jussi Hanhimäki soulignent ces aspects controversés de son parcours.

Depuis les années 1980, même si ce dernier n'a plus occupé officiellement les postes prestigieux et stratégiques qu'il a occupés durant sa carrière, il continuera d'influencer la géopolitique américaine et d'être le conseiller de nombreux présidents américains. Jusqu'à la fin de sa vie, il continuera d'afficher ses convictions politiques comme en 2023 au forum économique mondial de Davos où il se prononce en faveur de l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN.


Malgré ses réussites, son héritage reste controversé, soulignant les dilemmes moraux auxquels font face les leaders mondiaux. Alors que le monde traverse des périodes d'instabilité, la question qu'il posait dans son dernier ouvrage, "L'ordre du monde" demeure d'une actualité brûlante : les dirigeants actuels pourront-ils trouver l'équilibre entre morale et efficacité dans la gestion des affaires internationales ?

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