Iran et Israël, chronologie d’une rivalité qui fait craindre l’embrasement du conflit au Moyen-Orient
- Thibaut Anglicheau
- 19 avr. 2024
- 4 min de lecture
Dans la nuit du 13 au 14 avril 2024, l’Iran a lancé une offensive historique sur le territoire israélien. Pour la première fois de l’histoire des deux pays, l’Iran a mené une attaque aérienne directe sur l’État hébreu. Un total de 300 projectiles, comprenant drones et missiles balistiques, a été envoyé par les forces armées iraniennes et interceptés, pour la plupart, par les défenses antiaériennes israéliennes.
Si cette attaque est présentée en première instance comme une riposte après l’attaque du consulat iranien à Damas (Syrie) imputé par l’Iran à Israël, il est intéressant d’appréhender les origines de ces tensions pour saisir les déterminants multiples ayant aboutis à cette attaque, ainsi que la possibilité, après cette attaque, d’un embrasement du conflit au Proche-Orient.

La République iranienne de l'ayatollah Khamenei estime s'être vengée de l'attaque de son consulat à Damas et invite Israël à ne pas riposter.
Les racines des tensions entre l’Iran et Israël
La République Islamique d’Iran et l’État d’Israël apparaissent aujourd’hui comme deux rivaux majeurs au Moyen-Orient. Toutefois, cet état de fait n’a pas toujours existé. De fait, l’Iran est le deuxième pays musulman à avoir reconnu officiellement l’État d’Israël (1950). Pendant de nombreuses années, à partir de la moitié du 20e siècle, l’Iran et Israël étaient deux des alliés principaux des États-Unis au Moyen-Orient. Dans les années 1950 et 1960, dans le contexte de la Guerre Froide, les deux pays coopèrent sur des questions politiques, stratégiques et économiques sous la houlette des États-Unis.
La révolution islamique d’Iran, conduite en 1979 par l’Ayatollah Khomeini, provoque une dégradation radicale des relations et l’émergence dans un climat d’hostilité. En effet, le nouveau régime adopte une rhétorique foncièrement anti-israélienne, et apporte un soutien réel à des groupes dont l’objectif explicite est la destruction de l’État juif comme le Hezbollah libanais, le Hamas ou le djihad islamique.
Dans les dernières décennies, l’Iran cherche à accroitre son influence régionale en développant ses alliances et former ce que le gouvernement islamique appelle lui-même un « Axe de Résistance » tourné contre Israël. Par conséquent, l’Iran apparait comme une des menaces les plus prégnantes de la région pour l’État hébreu. Seulement, si un conflit indirect existait entre l’Iran et Israël par l’intermédiaire de l’organisation terroriste du Hezbollah, l’attaque du 13 avril apparait comme une première offensive directe de l’Iran à l’encontre d’Israël.
L’offensive du 13 avril et l’implication de l’Iran dans la guerre Israël-Hamas
Dès l’abord, le flou persiste en ce qui concerne le niveau de connaissance de l’Iran de l’offensive terroriste conduite par le Hamas le 7 octobre 2023. Un article du Wall Street Journal du 8 octobre prétend en effet, sans faire part de ses sources, que le gouvernement iranien lui-même aurait validé l’attaque terroriste à la veille de son déclenchement. Tout en niant toute implication, l’Iran salue et encourage les efforts du Hamas. Après le début de la riposte israélienne sur la bande de Gaza, l’Iran a mis en garde l’état hébreu de la possibilité de représailles militaires importantes. Somme toute, l’Iran apparait comme un soutien majeur des groupes militaires terroristes impliqués dans la guerre contre Israël soit comme un allié officiel du Hamas.
Toutefois, l’attaque du 13 avril n’est pas justifié par la guerre Israël-Hamas et par les bombardements menés par l’armée israélienne sur la bande de Gaza. Officiellement, il s’agit d’une réponse militaire à la destruction de l’ambassade iranienne de Damas, dont Israël a été prétendu coupable par l’Iran. Lundi premier avril, une frappe aérienne a détruit le consulat iranien en Syrie, entrainant la mort de onze personnes dont sept étaient membre du corps des Gardiens de la Révolution, armée idéologique de l’Iran. Si Israël n’a jamais revendiqué cette attaque, la Syrie, le Hezbollah et l’Iran l’ont d’emblée identifié comme responsable de cette attaque. Le Hezbollah, soutenu par l’Iran, a appelé à la « vengeance » face à l’ennemi. La réponse militaire a été conduite alors ce 13 avril, avec l’envoi de missiles et de drones à partir du territoire iranien. Simultanément, les alliés de l’Iran, le Hezbollah et les Yéménites houthistes ont mené des offensives sur l’État hébreu. D’après les forces militaires israéliennes, 99% des missiles ont été interceptés. Cependant, cette attaque fait plus que jamais planer la menace d’un embrasement régional du conflit Israël-Hamas et il convient alors de se pencher sur les possibilités d’expansion du conflit.
Quel risque d’un repoussement des frontières du conflit ?
L’Iran, au lendemain de l’attaque, a affirmé l’objectif de cette dernière et a explicitement fait part de l’idée selon laquelle Israël et l’Iran serait désormais quittes : « l’affaire peut désormais être considérée comme close » (mission iranienne à l’ONU). Cette offensive militaire est présentée alors comme une sanction nécessaire après l’attaque du consulat de Damas. Toutefois, la communauté internationale et l’Organisation des Nations Unies (ONU) redoute particulièrement une extension du conflit après l’offensive iranienne. Les responsables états-uniens, britanniques et français se sont unis dans leur condamnation sans équivoque de l’entreprise iranienne, qui prend clairement le risque de l’escalade militaire. Signe de la crainte des grandes nations occidentales, la France et les États-Unis conjuguent la rhétorique de la condamnation de l’attaque et de l’appel à la retenue en ce qui concerne une potentielle riposte israélienne. Il s’agit pour Joe Biden et les États-Unis, de tenter de désamorcer le mécanisme d’escalade qui apparait avoir été déclenché par l’offensive iranienne. Les dirigeants du G7 se réunissent à ce sujet de manière exceptionnelle le dimanche 14 avril pour traiter de l’attaque iranienne.
Une escalade du conflit est-elle, cependant, vraiment à craindre ? De fait, ni l’Iran ni Israël ne semblent vouloir s’engouffrer dans une guerre totale l’un contre l’autre qui risquerait de les conduire à leur perte. Ils ne veulent risquer l’enlisement dans un conflit frontal dans la région. Les chefs militaires iraniens, en insistant sur le fait que l’attaque en Israël ait « atteint tous ses objectifs » et que l’affaire est « close » semblent suggérer le fait que cette offensive est ponctuelle et non annonciatrice d’autres attaques. Pour Israël, il n’est pas désirable d’ouvrir un nouveau front au nord du pays avec le Hezbollah allié de l’Iran. Ainsi, si l’escalade du conflit semble être à craindre, elle ne semble pas être irrémédiable pour autant.
En définitive, l’attaque iranienne sur Jérusalem est une offensive sans précédent historique. Pour la première fois, l’Iran, qui était en guerre froide avec Israël, attaque ce dernier depuis son propre territoire. Dans le contexte de guerre actuel, le risque d’embrasement du Moyen-Orient semble plus que jamais prégnant.
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