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Iran : la dernière chance

  • Skander Hamza
  • 31 oct. 2022
  • 3 min de lecture

La mort de Mahsa Amini le 13 septembre dernier et la vague de manifestations qui a suivi à travers l'Iran semble ne pas perdre son souffle. Malgré un bilan sanglant – des ONG parlent de plus de 250 manifestants et 34 policiers décédés – les émeutes se poursuivent en Iran et dans le monde, au rythme des appels à la mort du guide suprême et des trois grandes revendications : Femme, Vie et Liberté.




Un pays à bout de souffle Femme, vie, liberté : ces trois termes sont aux antipodes d’un régime qui semble à bout de souffle. Malgré une grande résistance durant ses 43 années d’existence – et de fréquentes vagues de contestation –, le régime des Mollahs subit à la fois le résultat des sanctions américaines renforcées par la doctrine de pression maximale de l’administration Trump, une conjecture économique désastreuse ; inflation galopante, croissance en berne, diversification faible de l’économie, ainsi qu’un affaiblissement au niveau international ; ses alliés en Irak, au Liban et au Yémen perdent le soutien de la population et l’allié russe s’embourbe en Ukraine. Enfin, les 83 ans du Guide suprême Khamenei ouvrent l’épineuse question de sa succession.

C’est vers une fuite en avant qui n’avance plus que s’oriente le régime ; après des réformistes et des conservateurs modérés, c’est l’ultra-conservateur Ebrahim Raïssi qui fut élu président en 2021, malgré un taux d’abstention de 86%. Depuis le début des troubles dans le pays, le nouveau président a surtout réemployé la rhétorique usuelle qui consiste à désigner les ennemis du régime comme des agents de l’Occident. S'il a en premier lieu affirmé que les manifestations étaient l’œuvre d’Israël et des Etats-Unis, les coupables usuels, il a ensuite inclus les puissances européennes. Téhéran a en effet publié une vidéo -qualifiée de "mise en scène" par le Quai d'Orsay- dans laquelle deux Français affirment être en Iran «pour préparer les conditions de la révolution et du renversement du régime iranien».


Une contestation totale du régime

Le dispositif répressif tend de plus en plus à s'intensifier : les Basijs, la police des mœurs, ont vu leurs pouvoirs renforcés par le nouveau président tandis que les lois de 1979 sur le port du voile ont été renforcées. Le gouvernement a annoncé la mise en place d’un système de reconnaissance faciale dans les lieux publics pour surveiller les femmes jugées mal vêtues – les vieilles pratiques totalitaires s’adaptent aux nouvelles technologies.

Jusqu’où peut aller la rhétorique complotiste ? Si les Mollahs ont surmonté des vagues de revendications sur l’amélioration des conditions économiques ou sur des résultats électoraux, les émeutes actuelles sont uniques par leur rejet total du régime et par la place prépondérante des femmes de tous les pans de la société. En effet, suite à des meurtres dans des écoles, de nombreuses femmes (y compris des lycéennes) se sont rebellés contre leur professeurs et ont piétiné le portrait du Guide suprême. Les jeunes générations semblent encore espérer du changement.

Même le soutien de la base du régime, estimée à 20% de la population, soit environ 17 millions d’Iraniens, est chancelant : les rues des villes les plus conservatrices comme Qom furent occupés par des manifestants.


Quelle alternative possible pour le peuple iranien ?

Malgré la vague de revendications, le régime tient, d’autant plus que les manifestations de masse ne semblent plus aussi efficaces qu’avant. En effet, il y a tout d’abord un manque total d’alternative politique : l’opposition royaliste fut éliminée à la révolution et celle socialiste et communiste dans les années 1980, notamment par l’actuel président. Même les factions réformistes sont trop proches du pouvoir des mollahs pour s’y opposer et l’armée reste fidèle au Guide suprême.

Plus globalement, ce qui était autrefois le cauchemar d’un dictateur est devenu une mauvaise passe ; que ce soit en Algérie, en Birmanie, en Syrie ou au Sri Lanka, la plupart des juntes, oligarchies ou dictatures ont réussi à se maintenir malgré des mouvements de contestation de grande envergure – il est peut-être trop tôt pour un printemps iranien.

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