Iran : la mort de Mahsa Amini, une goutte de trop ?

Depuis l’arrestation et l'assassinat de Mahsa Amini en Iran le 16 septembre dernier par la police des mœurs pour "enfreinte au code vestimentaire", les manifestations et revendications ne font que s’intensifier dans le pays et chez ses voisins.

Aux origines de la politique de moeurs iranienne

Depuis la révolution islamique de 1979 conduite par l’ayatollah Khomeini le régime n’a cessé de glisser dans une théocratie de plus en plus stricte, et les répressions internes en Iran ne sont pas chose rare. En effet en 2009, les résultats de l’élection présidentielle furent largement contestés et entrainèrent de grandes protestations. Cette dénommée « révolte verte » avait été étouffée de manière particulièrement brutale. Dix ans plus tard, les mêmes moyens de répressions furent utilisés lors de manifestations provoquées par l’augmentation du prix du carburant. Cependant les manifestations actuelles sont d’un enjeu différent : le port du voile est un élément constitutif du régime depuis 43 ans, les protestations s’attaquent directement au pouvoir et la légitimité de la République islamique.

« Mort au dictateur ! » scandent les femmes, sans voile, dans les rues d’Ardabil. Elles revendiquent leur liberté et veulent mettre fin aux règles trop strictes de la loi islamique. Les gestes de protestations se multiplient, les rues s’embrasent de voiles brulés et de cheveux coupés en guise de provocation. Depuis le 16 septembre ils seraient quelques centaine voire milliers à avoir été arrêtés. On compte également au moins 92 personnes tuées par les autorités. Les institutions et associations internationales s’inquiètent d’une répression trop violente qui finirait en véritable bain de sang suite notamment aux déclarations du président iranien Ebrahim Raïssi qui a alerté que l’Iran « traitera de manière résolue ceux qui mettront en péril la sécurité du pays ».

Un évènement qui lève le voile sur d'autres tensions en Iran - et à l'étranger

Ce conflit n’est pas resté interne bien longtemps, en témoignent les réactions de plusieurs peuples et pays plus ou moins voisins. En Afghanistan où la population vit à nouveau sous le joug des talibans, les manifestations en Iran ont un écho particulièrement fort.

Par ailleurs le mouvement de contestation a ranimé le sentiment nationaliste kurde et leur revendication d’autonomie territoriale. La minorité ethnique marginalisée depuis la révolution islamique de 1979 observe une complémentarité entre les mouvements féministes et nationalistes kurdes, tous deux opposés au régime actuel et en lutte contre les projets niant le pluralisme et les droits des minorités.

En Indonésie également la question de l’obligation du port du voile revient sur le tapis. Dans ce pays où il a été successivement interdit, autorisé, encouragé puis de plus en plus obligatoire avec par exemple la femme du président, Joko Widodo, qui s’est mise à le porter depuis quelques mois, devenant la première première dame du pays à le faire. Les évènement en Iran pourraient alors avoir un effet d’alerte sur lellan

Quel espoir pour les iraniennes ?

Partout dans le monde les réactions en chaîne ont été partagées sur les réseaux sociaux où le drame de Mahsa Amini a été fortement relayé. Il faudra attendre une dizaine de jours pour que l’Union Européenne condamne par exemple l’usage « disproportionné de la force » par les autorités iraniennes.

Les Etats-Unis ont eux définitivement pris position contre le régime actuel. En 2009 Barack Obama avait été « trop prudent » craignant que l’Iran lui attribue la responsabilité du soulèvement. Cette fois ci, Joe Biden a condamné la répression en Iran et a pris des mesures pour permettre aux protestants d’accéder à Internet que le régime a coupé plusieurs fois. Les sanctions contre l’Iran ont été levée pour que les kits Starlink (petites paraboles connectées à des satellites en orbite basse commercialisés par SpaceX) puissent être importés et utilisés dans le pays. L’Iran impute évidemment la responsabilité de ces manifestations à Washington et à ses alliés occidentaux et 9 ressortissants européens ont été arrêtés.

Pour certains analystes, l’Iran sortira de cette crise par l’ouverture économique qui devrait aller de pair avec la signature de l’accord sur le nucléaire. En effet une fois l’accord signé, de nombreuses entreprises internationales arriveront sur le sol iranien. Comment alors imposer le port du voile à toutes les étrangères qui ne le portent pas qui arriveraient en Iran ?