L’Iran à Ia croisée des chemins : la mort d’Ebrahim Raïssi et ses répercussions géopoIitiques
- Ilyes Ben Rbia
- 7 juin 2024
- 5 min de lecture
La mort d’Ebrahim Raïssi ouvre une période d’incertitude pour I’Iran et Ia région. Survenue cinq semaines après une confrontation avec Israël, cette disparition pourrait intensifier les tensions internes et externes. Le régime iranien devra naviguer prudemment pour maintenir sa stabiIité et éviter une escaIade dans les confIits régionaux. La gestion des prochains mois sera cruciaIe pour déterminer l’orientation future de l’Iran, tant sur le plan intérieur que sur la scène internationale.

Le président iranien Ebrahim Raïssi, décédé dans un accident d'hélicoptère le 19 mai dernier.
Un accident aux répercussions immenses
La mort d’un chef d’État est toujours un défi majeur, et quand cela se produit dans un pays clé comme l’Iran, le choc est considérable. Ebrahim Raïssi et son ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, ont péri dans un crash d’hélicoptère, officiellement en raison de mauvaises conditions météorologiques, ce qui a suscité des théories du complot. Toutefois, il n’y a pour l’instant aucune preuve d’un attentat, même si ces spéculations risquent de proliférer, surtout après la récente confrontation avec Israël.Les circonstances de cet accident, impliquant un hélicoptère de fabrication américaine vieux de plus d’un demi-siècle, nourrissent diverses théories. Certains suggèrent un possible sabotage, d'autres un dysfonctionnement technique dû à l'âge de l'appareil. Jusqu'à présent, les autorités iraniennes maintiennent qu'il s'agit d'un accident. Cependant, dans une région où la méfiance et les suspicions sont omniprésentes, ces explications ne convainquent pas tout le monde.
Le système politique iranien en question
Pour comprendre l’impact de la mort de Raïssi, il faut saisir la complexité du pouvoir en Iran. Bien que le président soit élu, il n’est pas le numéro un du pays. Le véritable chef est le Guide Suprême, actuellement l’ayatollah Ali Khamenei. La mort de Raïssi, pressenti pour succéder à Khamenei, bouleverse les plans de succession à un moment crucial, alors que Khamenei, âgé de 85 ans, est en mauvaise santé. Raïssi, figure de l’aile dure, avait succédé au réformiste Hassan Rohani en 2021, rendant son remplacement délicat dans ce contexte.Le Guide Suprême détient le pouvoir ultime, supervisant toutes les grandes décisions, en particulier celles concernant la sécurité nationale et la politique étrangère. La mort de Raïssi, vu comme un possible successeur de Khamenei, laisse un vide difficile à combler. Raïssi avait la confiance de l'élite conservatrice et des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique du régime. Sa disparition nécessite une réévaluation de la succession au sein d’un système où les rivalités internes sont souvent masquées mais bien réelles.
Instabilité régionale et risques accrus
La disparition de Raïssi accroît l’imprévisibilité régionale. L’Iran joue un rôle central dans plusieurs conflits, soutenant les Houthis au Yémen, le Hezbollah au Liban, et le Hamas en Palestine. La région pourrait devenir encore plus instable, avec un risque d’escalade. En interne, la situation est également tendue avec une répression sévère des mouvements de protestation, ce qui rend la situation du régime encore plus précaire.Les acteurs régionaux surveillent de près la réaction de Téhéran. Une réponse excessive pourrait déclencher des répliques de la part d’Israël ou d’autres puissances régionales. L'Iran est déjà impliqué dans des guerres par procuration et toute action précipitée pourrait entraîner des conséquences graves, non seulement pour la région mais aussi pour la stabilité globale. Les Houthis, par exemple, ont intensifié leurs attaques contre les intérêts saoudiens, et le Hezbollah pourrait intensifier ses activités contre Israël, menant à une escalade généralisée.
Contexte géopolitique explosif
La mort de Raïssi survient alors que le régime est sous pression géopolitique, ayant récemment attaqué Israël. Cette attaque, suivie de rumeurs et de célébrations à Téhéran, souligne la fragilité du régime. Avec une participation électorale en chute libre à Téhéran, la légitimité du régime est remise en question. La mort de Raïssi, surnommé « le boucher » pour son rôle dans les massacres de 1988, pourrait intensifier les spéculations sur un sabotage ou un règlement de comptes, même si les causes météorologiques et techniques semblent suffisantes pour expliquer l’accident. L’Iran se trouve à un carrefour critique. Les récentes attaques contre Israël montrent une volonté de tester les limites des ripostes internationales. Cette stratégie de tension constante est risquée, surtout avec une économie affaiblie par les sanctions et une population de plus en plus mécontente. La mort de Raïssi pourrait être perçue comme un signe de faiblesse, incitant les ennemis de l'Iran à intensifier leurs efforts pour déstabiliser le régime.
Les gardiens de la révolution et la suite
Le Guide Suprême a tenté de rassurer la nation, affirmant que l’administration du pays ne serait pas perturbée, et que de nouvelles élections se tiendront sous cinquante jours, comme le prévoit la Constitution. Néanmoins, la situation reste imprévisible. L’Iran demeure un acteur majeur dans un contexte de guerre à Gaza et de tensions régionales exacerbées. Raïssi, qui incarnait la ligne dure après les tentatives de réforme de Rohani, avait une influence considérable. Sa disparition complique la donne, notamment avec les Gardiens de la Révolution, bras armé du régime, qui jouent un rôle de plus en plus prépondérant.Les Gardiens de la Révolution sont devenus un pilier central du pouvoir iranien, non seulement en matière de sécurité mais aussi dans l’économie et la politique. La succession de Raïssi pourrait renforcer leur emprise, surtout si un candidat encore plus dur est choisi. La question est de savoir si cette emprise croissante mènera à une stabilisation du régime ou à une radicalisation accrue qui pourrait déclencher une opposition encore plus forte à l'intérieur du pays et une réaction internationale plus virulente.
Un futur incertain
L’avenir de l’Iran dépendra en grande partie de la capacité du régime à gérer cette transition délicate. La mort de Raïssi a laissé un vide qui pourrait être exploité par des factions rivales au sein du régime et par des forces externes hostiles. Le choix de son successeur sera déterminant pour la direction que prendra le pays. Si le régime opte pour un autre “dur”, la répression intérieure pourrait s’intensifier, tout comme les tensions régionales. À l’inverse, un choix plus modéré pourrait offrir une chance de désescalade, bien que cela semble peu probable dans le contexte actuel.La réaction de la communauté internationale sera également cruciale. Les sanctions économiques et les pressions diplomatiques pourraient augmenter si l'Iran choisit de durcir encore sa politique étrangère et intérieure. Cependant, il existe également des opportunités pour le dialogue et la négociation, notamment avec les puissances européennes qui cherchent à maintenir l'accord sur le nucléaire.
En conclusion, la mort d’Ebrahim Raïssi marque un tournant pour l’Iran et la région. Les prochains mois seront déterminants pour la stabilité du pays et pour la sécurité régionale. Le régime iranien est à la croisée des chemins et devra naviguer avec prudence pour éviter une crise majeure. Les enjeux sont élevés, et les décisions prises dans cette période d'incertitude auront des répercussions durables pour l'Iran et au-delà.
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