L'âge de la surveillance : la persécution des Ouïghours en Chine septentrionale
- UN'ESSEC
- 23 sept. 2019
- 3 min de lecture

Les Ouïghours sont une minorité musulmane du nord-ouest de la Chine : ce groupe compte 12 millions de personnes de plus en plus contrôlées et persécutées par les forces de l'ordre.
L'effrayante digitalisation du contrôle des individus
Ce qui marque le plus dans le quotidien des Ouïghours, c'est la mainmise totale qu'exerce le pouvoir chinois sur cette ethnie qui ne compte que pour 0,8% de la population chinoise. Cela se traduit, par exemple, par l'obligation d'avoir sur eux leur téléphone et leur document d'identité mentionnant leur origine ethnique. Pourquoi ces prérequis ? Dans la région du Xinjiang, de nouveaux dispositifs digitaux permettent l'utilisation de la reconnaissance faciale, si bien que tout passage dans un lieu de culte, dans une gare ou dans un cyber café est enregistré grâce à l'identification du document d'identité au système de vidéosurveillance qui n'est rien d'autre qu'un "tracker" des minorités ciblées. Tout visage reconnu est un visage tracké.
S'il se trouve que l'individu n'a pas sur lui sa carte d'identité ou son téléphone, les caméras ou les trackers qui scannent à distance les individus alertent automatiquement la police. Quand bien même, ces deux objets devenus vitaux seraient bien avec eux, les Ouïghours sont tout de même soumis à des contrôles "inopinés" lors desquels la police réquisitionne les téléphones pour les scanner. Le contrôle de masse des Ouïghours a commencé en 2015-2016 après des années de talibanisation de la population selon les dires du gouvernement chinois. En effet, c'est en réponse à de multiples attentats-suicides donnant lieu à un climat d'insécurité que le régalien s'est emparé de cette question de fondamentalisation comme point de départ d'une rationalisation des flux humains dans la région. Un processus de recoupement des données biométriques (tonalité de la voix, reconnaissance faciale, ADN) s'est très rapidement mis en place de sorte que, par exemple, les individus ne devaient plus signer de leur main mais au moyen de leur voix et de leur visage. Bref, le gouvernement chinois a fait entrer en vigueur un efficace ersatz de checkpoint aéroportuaire généralisé à l'échelle des pans administratif et social qui régissent le quotidien.
Un quadrillage ethnico-religieux du nord-ouest de la Chine
Cette logique de rationalisation et surveillance à marche forcée procède d'un racisme patant ne se limitant pas aux Ouïghours effectivement radicalisés. Tout comportement faisant signe vers une différence est alors compris comme un ferment de dissidence. Le fait d'avoir une longue barbe et de prier cinq fois par jour serait la preuve que la population ouïghoure se radicaliserait massivement. Le gouvernement chinois en a alors appelé à une guerre contre le terrorisme, à la manière des Etats-Unis de George Bush au début de ce siècle. C'est ainsi qu'il a lancé un gigantesque processus de convocations (par millions) des minorités ouïghoures afin de déterminer si tel ou tel individu était "sain d'esprit", c'est-à-dire digne de confiance ; autrement dit, l'objectif était de cerner physiquement, moralement et territorialement, "l'ennemi intérieur". Cette opération a mobilisé près de 100 000 policiers ainsi que plus d'un million de fonctionnaires d'Etat.
Verdict ? 1 500 000 de Ouïghoures n'ont pas réussi à passer le test de confiance et ont donc été confinés dans des camps de rééducation.
Derniers développements : des prisonniers aux yeux bandés
Cette semaine, une vidéo montrant entre 300 et 600 prisonniers les yeux bandés et encerclés par des policiers a fait surface. Ces prisonniers sont tantôt en rang, tantôt assis les mains liées dans le dos. Ces images de transfert de prisonniers font fausse note dans la propagande du gouvernement chinois qui, malgré les soupçons de la communauté internationale et du Human Rights Watch, s'efforce de louer les vertus de ces camps de rééducation et de minimiser les méthodes rigoristes mises en place dans le Xinjiang en y invitant de hauts dignitaires du monde entier. Interrogée sur ces images sans doute capturées par drone, Marise Payne, Premier Ministre de l'Australie, les a jugées "particulièrement troublantes". Il ne fait aucun doute que ces commentaires sont et seront largement partagés lors de l'Assemblée générale des Nations unies qui aura lieu cette semaine à New York. À voir si ces discussions seront suivies de résolutions.
Par Joseph-Emmanuel Danho
Comments