La crise humanitaire Yanomami au Brésil : l'héritage de Jair Bolsonaro
- Tessa Limbach
- 13 févr. 2023
- 4 min de lecture
Seulement quelques semaines après le début de son mandat, le nouveau président brésilien Lula doit affronter une grave crise humanitaire touchant le peuple des Yanomami, en Amazonie. Sonia Guajajara, ministre des Peuples indigènes, a en effet alerté le gouvernement sur la situation de ces indigènes, conséquence directe du mandat de Bolsonaro.

Un peuple indigène en danger
Les indigènes Yanomami sont un des peuples les plus nombreux des forêts d’Amérique du Sud. Ces derniers vivent au nord de l’Amazonie, à la frontière entre le Brésil et le Venezuela. Selon le ministère de la Santé, ils seraient environ 30 000 indigènes, dont 5 000 enfants, à vivre dans les États brésiliens de Roraima et Amazonas, ainsi qu’au Venezuela. Au Brésil, leur territoire de presque 9 millions d’hectares de forêts et de montagnes est censé être inviolable et protégé.
Pourtant, les autorités estiment que plus de 15 000 orpailleurs ont envahi ces terres. L’exploitation minière illégale, en hausse de 54% en 2022, est la principale raison de cet envahissement et des différents dangers qui en découlent, ce qu’a confirmé le ministre de la Défense, José Mucio : « Nous savons quelle est l’origine du problème : l’orpaillage illégal est très présent dans le territoire yanomami et il sera démantelé (…) ». En effet, les mines d’or illégales sont, au Brésil, synonymes de violence, de pollution et de maladies.
Les orpailleurs privent en effet les indigènes de leur principal moyen de subsistance, la pêche, en polluant les fleuves avec du mercure. Vivant dans des zones reculées, les indigènes ont un accès restreint au système de santé, ce qui favorise la prolifération d’infections. Les orpailleurs sont également accusés par les indigènes de violer et de tuer des membres de leur communauté.
En outre, la destruction du territoire due à l’exploitation minière illégale est responsable de la malnutrition infantile. La ministre des Peuples indigènes (ministère créé à l’arrivée de Lula au pouvoir), Sonia Guajajara, et la ministre brésilienne de la Santé, Nisia Trindade, font état de la mort, sur les quatre dernières années, de 570 enfants, pour cause de dénutrition, et dénombrent 11 530 cas de paludisme. Une enquête pour « génocide » a été ouverte à la suite de publications de chiffres officiels.
La crise humanitaire : une conséquence du mandat de Bolsonaro
De nombreux responsables politiques du gouvernement Lula dénoncent les décisions de leurs prédécesseurs qui, sous les ordres de Jair Bolsonaro, auraient volontairement favorisé l’exploitation minière et la déforestation, sans considération aucune pour les populations indigènes.
Jair Bolsonaro avait en effet soutenu plusieurs promesses électorales visant à assouplir les politiques environnementales en vigueur au Brésil, en particulier dans la région amazonienne. À la suite de son élection en 2018, il a immédiatement abrogé différents décrets présidentiels qui interdisaient l’exploitation minière et l’exploitation forestière illégales. Il a par ailleurs démantelé les agences de protection de l’environnement comme l’IBAMA et l’ICMBio.
L’orpaillage illégal a très fortement augmenté durant le mandat de l’ex-président brésilien (2018-2022), favorable à une politique anti-autochtone et pro-exploitation de l’Amazonie. Les médias ont d’ailleurs révélé différents évènements accablant le gouvernement de Bolsonaro. L’ancien ministre de la Défense Augusto Heleno avait, par exemple, autorisé un trafiquant de drogue condamné à exploiter un projet d’extraction d’or dans la région. De plus, les fonds gouvernementaux dédiés au transport de médecins dans la région sous l’administration Bolsonaro ont été dirigés vers des sociétés de transport appartenant à des mineurs illégaux. Un juge de la Cour suprême a donc pour cela demandé l’inclusion des membres du gouvernement Bolsonaro dans l’enquête pour « génocide » du peuple Yanomami.
La réaction du gouvernement, un enjeu central pour le mandat de Lula
Avec cet héritage laissé par Jair Bolsonaro, le nouveau président Lula, qui avait fait la promesse électorale de protéger les populations autochtones, a dû prendre des mesures d’urgence.
La première réponse du gouvernement a été d’envoyer la police et les forces armées pour chasser les orpailleurs de la région. L’armée de l’air du Brésil a donc été déployée pour effectuer un contrôle aérien du territoire, et l’espace aérien a été totalement fermé, dans le but de priver les orpailleurs de leurs sources de ravitaillement. Plus de 500 policiers et soldats ont été envoyés dans l’État de Roraima, afin de déloger les orpailleurs. José Mucio, ministre de la Défense, a annoncé : « Nous allons les affronter et couper le mal à la racine ! ». Le ministre de la Justice a, pour sa part, affirmé que plusieurs milliers d’envahisseurs avaient commencé à fuir la réserve par la jungle ou par voie fluviale.
Lula s’est également assuré du déploiement d’une aide humanitaire. Il a annoncé, lors de sa visite à Boa Vista, où se trouve une partie du peuple Yanomami, la construction d’un hôpital de campagne qui pourra accueillir 715 indigènes. Le ministère de la Santé a également déclaré l’état d’urgence sanitaire dans les territoires autochtones. Le gouvernement a envoyé des paniers alimentaires, des compléments alimentaires et du matériel médical.
La décision la plus importante reste la demande de Flavio Dino, ministre de la Justice, d’ouvrir une enquête « sur les crimes de génocide, l’omission d’aide et secours, les crimes environnementaux », après la publication de chiffres officiels annonçant la mort d’une centaine d’enfants sur le territoire yanomami en 2022. Il demande également à ce que tous les politiques, anciens ministres et responsables de santé ayant financé l’orpaillage illégal, commis des crimes ou des délits environnementaux soient poursuivis et fassent l’objet d’une enquête sur leurs actions et leurs omissions pour secourir ce peuple Yanomami.
Cette crise constitue donc un enjeu central pour l’actuel président Lula, qui espère accueillir la COP30 à Belem en 2025…
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