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La guérilla colombienne de l'ELN nie tout accord de cessez-le-feu avec le gouvernement

  • Tessa Limbach
  • 16 janv. 2023
  • 4 min de lecture

Le 3 janvier dernier, la guérilla de l’Armée de libération nationale (ELN) a démenti tout accord de cessez-le-feu avec le gouvernement. Cette annonce va à l’encontre des propos tenus par le Président colombien Gustavo Petro, qui avait annoncé une trêve de six mois entre les cinq principaux groupes armés du pays.





Le refus de cessez-le-feu, un échec de la promesse de « paix totale »

Le soir du réveillon du 31 décembre 2022, le président colombien Gustavo Petro a annoncé publiquement avoir trouvé un accord bilatéral avec les différents groupes armés du pays. Il affirmait ainsi le début d’une trêve entre les guérillas et le gouvernement d’une durée initiale de six mois, sous la surveillance de mécanismes nationaux et internationaux. Cette déclaration a immédiatement suscité de nombreuses réactions, notamment de l’ONU, de l’Église catholique et de la gauche, se réjouissant de la coopération de toutes les parties prenantes.

Cependant, trois jours seulement après la déclaration de Petro, le commandement central de l’ELN a réfuté sur les réseaux sociaux tous les propos tenus par le président, affirmant qu’il s’agissait en réalité d’un accord unilatéral et que les guérillas n’avaient en aucun cas été consultées sur la question. L’Armée de libération nationale a par conséquent démenti toute possibilité de cessez-le feu, mettant ainsi en péril l’espoir d’une « paix totale ».

En effet, Gustavo Petro et son gouvernement avaient pour objectif à travers cette trêve de commencer 2023 dans un climat de paix, et ainsi d’entamer le début de son ambitieuse promesse de « paix totale » qui lui avait permis de remporter les élections en août 2022. Il avait déjà enclenché plusieurs leviers afin d’atteindre son but, comme la reprise en novembre à Caracas des pourparlers de paix avec l’ELN, qui avaient été suspendus par l’ancien gouvernement conservateur d’Ivan Duque entre 2018 et 2022.

Le 4 janvier, le pays a vu s’effondrer ces espoirs de « paix totale » lors de l’annonce du ministre de l’Intérieur Alfonso Prada, accompagné du commandement militaire et du ministre de la Défense, de la suspension de cette trêve avec l’ELN. Ce dernier a affirmé que la question serait abordée plus tard, lors de nouvelles négociations au Mexique, dont la date n’est pas encore déterminée.


Le résultat de plus de six décennies de violence

La situation actuelle en Colombie est le résultat de plus de soixante ans de violence. L’actuel conflit armé colombien est un conflit interne au pays, et date des années 1960, à l’issue de la période de La Violencia (guerre civile colombienne de 1948 à 1960), avec la création de différentes guérillas marxistes, dont les deux plus importantes : les Forces Armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et l’Armée de libération nationale (ELN). Depuis cette période, le conflit armé se poursuit entre les FARC et l’ELN, les cartels paramilitaires (se présentant comme des forces de contre-insurrection face aux guérillas et que l’État n’est pas parvenu à neutraliser), et les forces gouvernementales.

Après un accord de cessez-le-feu définitif signé en 2016, le plus grand groupe rebelle du pays (FARC) est écarté du conflit, mais le pays ne parvient pas pour autant à empêcher d’autres organisations, souvent plus petites, de combler le vide de pouvoir laissé par cet accord.

C’est dans ce cadre-là que l’ELN s’est imposée comme le plus grand adversaire du gouvernement. L’insurrection qu’est l’ELN (Armée de libération nationale) a été fondée en 1964 par des prêtres catholiques, des syndicalistes et des étudiants sympathisants de Che Guevara, s’inspirant de la révolution cubaine (victoire de Fidel Castro en 1959) et souhaitant émanciper le pays par le marxisme. Ses origines sont donc avant tout idéologiques. L’ELN est donc une guérilla guévariste dont l’ambition est de prendre le pouvoir afin d’établir un « gouvernement démocratique et populaire ».

L’organisation, placée sur la liste des organisations terroristes, dispose selon les autorités de quelque 3 500 combattants et 7 000 miliciens, et tire profit du trafic de drogue et de l’exploitation minière illégale. En effet, la drogue représente aujourd’hui un point central du conflit, dans la mesure où les différents groupes armés se disputent le trafic de cocaïne dont la Colombie est le plus grand producteur mondial.

Le bilan de ce conflit est lourd : environ 450 000 Colombiens ont été tués et 8 millions déplacés entre 1985 et 2018, faisant de ce conflit interne « la plus grande catastrophe humanitaire de l’hémisphère occidental », selon le sous-secrétaire des Nations unies pour les questions humanitaires.


La menace d’une nouvelle crise politique ?

Les guérillas, auxquelles s’ajoute la lutte contre les cartels ébranlent régulièrement l’équilibre politique en place dans le pays. On retrouve également cette problématique au Mexique, où la légitimité du gouvernement est constamment remise en question par les évènements liés au trafic de drogue, en témoignent par exemple la guérilla urbaine et le déchaînement de violences dans le pays à la suite de l’arrestation à Culiacan d’Ovidio Guzman, trafiquant de drogue et fils du célèbre Joaquin « El Chapo » Guzman.

Ces conflits et cette violence interne fragilisent donc la légitimité des gouvernements, et notamment celui de Gustavo Petro, lui-même ancien militant du mouvement de guérilla M-19 et premier président colombien issu de la gauche, élu en août 2022 grâce à sa promesse de paix en amenant les groupes armés à négocier.

L’échec de ces négociations, ainsi que la suspension de la trêve menacent donc de se transformer en crise politique, car cela témoigne de l’instabilité du gouvernement. Sergio Guzmán, directeur de Colombia Risk Analysis, déclare à ce sujet : "Ce fiasco démontre à quel point les annonces du gouvernement sont souvent improvisées et qu'il déclare des choses sans y réfléchir avec toutes les parties prenantes concernées".

Par ailleurs, le risque de crise politique est renforcé par les réactions vives de l’opposition à la suite de l’annonce, qui accuse elle aussi le président Petro d’avoir improvisé, et même d’avoir menti. A cela s’ajoute également l’indignation de la part des militaires, qui auraient été informés du début du cessez-le-feu par le biais d’un tweet posté par le président colombien.

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