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La Syrie après Assad : un avenir incertain

  • Sofia El Safty
  • 23 déc. 2024
  • 4 min de lecture

Le 8 décembre 2024, la chute du régime de Bachar el-Assad, après plus de 54 ans de

domination, a marqué un tournant majeur dans l’histoire récente du Moyen-Orient. Alors que l’échiquier régional se reconfigure et que de nouvelles dynamiques émergent, l’avenir de la Syrie soulève des interrogations cruciales. Ce pays, déchiré par une guerre civile depuis plus d’une décennie, doit désormais faire face à un défi majeur: trouver sa place dans un contexte géopolitique complexe. Loin de marquer la fin des tensions, cet événement pourrait amorcer une période d’incertitude et de fragilité, non seulement pour la Syrie, mais pour l’ensemble de la région.



La longue nuit de la Syrie
La longue nuit de la Syrie

La chute de Bachar el-Assad, un bouleversement historique

La chute du régime Assad, officialisée par l’exil du président et de sa famille en Russie,

résulte d’un processus long et complexe. Ce dernier trouve ses origines dans les

soulèvements populaires de 2011, en écho au printemps arabe, mais aussi dans l’incapacité du régime à maintenir un contrôle durable sur son territoire. La perte du soutien de ses alliés stratégiques, notamment l’Iran et la Russie, s’explique par leur implication dans d’autre conflits majeurs : la guerre en Ukraine pour la Russie et le conflit israélo-palestinien pour l’Iran, ce qui a réduit leur capacité à maintenir le régime en place.

Le départ d’Assad entraîne une recomposition des forces internes en Syrie. Les Kurdes, qui contrôlent une partie importante du nord-est du pays, renforcent leur autonomie avec l’appui des États-Unis. Dans le même temps, le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS), dirigé par Al-Jolani, tente de se poser en acteur dominant sur le terrain. HTS adopte une posture pragmatique, se mettant en scène comme un parti politique modéré et éloigné de ses racines djihadistes pour chercher une légitimité locale et internationale. Cependant, ce pragmatisme ne garantit pas une véritable modération idéologique.

Sur le plan régional, la chute du régime Assad constitue un revers pour l’axe chiite, qui

s’étendait de l’Iran jusqu’au Hezbollah au Liban. L'Iran perd ainsi un allié stratégique et une grande partie de son influence. De son côté, Israël, qui considère cet affaiblissement comme une victoire, continue de suivre attentivement l'évolution de la situation en Syrie, en particulier la politique du mouvement HTS qui s'est imposé.


Les défis internes d’une Syrie en reconstruction

Le départ d’Assad ne met pas fin aux fractures internes de la Syrie. Le pays reste

profondément divisé, avec une mosaïque de groupes ethniques et religieux aux intérêts

divergents. Les Arabes sunnites représentent environ 50 % de la population, mais les

minorités – Alaouites, Kurdes, chrétiens, druzes – continuent de jouer un rôle central dans

l’équilibre politique. Ces minorités, qui craignaient souvent la répression sous le régime

Assad, ne voient pas nécessairement dans HTS ou d’autres forces émergentes un garant de leurs droits et de leur sécurité.

La reconstruction politique pose également la question de la gouvernance. Le passé récent montre qu’une démocratie stable sous l’autorité d’un groupe islamiste reste hautement improbable. Les exemples historiques, comme celui de Mohamed Morsi en Égypte, illustrent la difficulté d’établir des systèmes démocratiques dans un contexte de tensions idéologiques. Par ailleurs, l’émergence de Hayat Tahrir al-Sham (HTS) comme force dominante représente un défi pour la stabilité du pays. Nombreux sont les doutes concernant sa capacité à gérer la mosaïque ethnique et religieuse syrienne. Les Kurdes, qui bénéficient d’un soutien occidental, et d’autres groupes minoritaires tels que les Alaouites ou les Druzes, restent méfiants face aux intentions de HTS, notamment en raison de son passé idéologique. Ainsi, le risque d’une gouvernance autoritaire ou de tensions intercommunautaires demeure élevé.

Et, l’éventualité d’une balkanisation du territoire syrien, où chaque région serait contrôlée

par une faction différente, demeure une menace importante.

Enfin, les défis migratoires sont immenses. Plus de la moitié de la population syrienne a été déplacée depuis 2011 et nombreux sont les citoyens syriens immigrés souhaitant revenir dans leur pays. Or, le retour de ces réfugiés dépendra non seulement de la stabilisation politique, mais aussi de la capacité du pays à relancer une économie détruite par des années de guerre. Par exemple, la Turquie, qui abrite plus de trois millions de réfugiés syriens, envisage déjà leur renvoi, ce qui pourrait exacerber les tensions à la frontière nord.


La Syrie sur le nouvel échiquier régional

La reconstruction de la Syrie ne pourra pas s’envisager sans considérer les jeux d’influence des puissances étrangères, dont les stratégies souvent divergentes complexifient encore davantage la situation. Si la chute du régime Assad redistribue les cartes, elle expose également la Syrie à des tensions accrues entre acteurs régionaux et internationaux. Premièrement, le président turc Recep Tayyip Erdoğan, souvent qualifié de « néosultan », adopte une stratégie double : sécuriser les frontières de son pays tout en affirmant son influence régionale. En intervenant militairement dans le nord de la Syrie, Ankara consolide sa position en tant que puissance régionale dominante. Cependant, cette politique, bien qu’en phase avec son objectif déclaré d’éliminer toute résistance kurde, risque d’exacerber les tensions avec ces derniers, alliés des Américains, ou même avec HTS, si leurs ambitions venaient à entrer en conflit.

Ensuite, affaiblie par la guerre en Ukraine, la Russie voit son influence au Moyen-Orient

s’éroder, notamment après la chute du régime Assad, un allié stratégique de longue date.


Dans ce contexte, Moscou est déterminée à ne pas renoncer à ses bases militaires sur le

littoral syrien, piliers de sa stratégie régionale, qu’elle cherchera à préserver à tout prix. Dès lors, l’avenir de ces installations militaires pourrait devenir une source de vives tensions avec le nouveau gouvernement syrien, dont les intentions restent incertaines.

Ces rivalités internationales dessinent un avenir incertain pour la Syrie, qui devra naviguer dans un contexte géopolitique fragmenté. La capacité du pays à retrouver une souveraineté effective dépendra de sa faculté à gérer les influences étrangères tout en faisant face à des défis internes importants. À court terme, la Syrie risque de devenir un champ d’expérimentation où les puissances externes poursuivront leurs propres intérêts, souvent au détriment d’une paix durable.

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