Le conflit Israël - Hamas peut-il enflammer le Moyen-Orient ?
- Augustin Bodoy
- 28 nov. 2023
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 28 nov. 2023
Plus d’un mois après l’attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien contre Israël, les bombardements se poursuivent à Gaza, où près d’1.7 millions de personnes sont déplacées, selon l’ONU. La crainte de voir le conflit s’étendre au reste du Moyen-Orient persiste, alors que les violences montent en Cisjordanie, que les accrochages avec le Hezbollah libanais se multiplient, et que les populations civiles affirment avec toujours plus de véhémence leur indignation contre les agissements de l’Etat hébreu.

Soldats israéliens à la frontière avec Gaza, deux jours après l'attaque du Hamas, le 9 octobre 2023
Israël, en guerre sur tous les fronts
A Gaza, l’armée israélienne annonçait le 16 novembre être en passe de détruire la totalité de l’équipement militaire du Hamas dans le nord du territoire. Depuis le début de la guerre, 67 soldats israéliens ont été tués à Gaza ont annoncé les autorités israéliennes ce lundi. Un communiqué du Hamas a quant à lui estimé à 13 000 le nombre de victimes à Gaza, au 45e jour du conflit. L’annonce d’un premier accord conclu entre le Hamas et Israël pour la libération d’une partie des otages israéliens mercredi dernier pourrait néanmoins permettre la mise en place d’une trêve sur ce front dans les prochains jours. Au nord du pays, les affrontements et échanges de roquettes entre Tsahal et le Hezbollah libanais sont quotidiens depuis le 7 octobre, et ont fait plus de 90 morts. Le 3 novembre, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah avait affirmé que « toutes les options » étaient ouvertes pour un élargissement du conflit sur le front israélo-libanais. A l’est, les tensions montent en Cisjordanie. Depuis le 7 octobre, 190 Palestiniens sont morts dans la région et 2 700 ont été blessés, selon un rapport des Nations Unies. Cette montée de la violence fait craindre une nouvelle Nakba des Cisjordaniens. Cet événement, remontant à la première guerre israélo-arabe en 1948, avait vu pas moins de 700 000 Palestiniens s'exiler vers les pays voisins.
Les pays arabes, réticents à s’impliquer dans une nouvelle guerre avec l’Etat hébreu
Historiquement impliqués dans les guerres israélo-arabes de 1948, 1967 et 1973, l’Egypte et la Jordanie appellent à une paix au plus vite. L’Egypte s’est positionnée en médiateur entre le Hamas et Israël pour permettre l’avancée des négociations au sujet de la libération des otages. Les deux pays recherchent ainsi un fragile équilibre entre leurs intérêts économiques, que la guerre entre Israël et le Hamas met à mal, la crainte de l’affluence de Palestiniens sur leurs territoires respectifs, et en même temps, une opinion publique largement favorable à la Palestine. Les économies égyptiennes et jordaniennes sont en effet étroitement liées à la situation en Terre Sainte : la Jordanie achète l’eau, le gaz et l’électricité à Israël et la guerre à la frontière du Sinaï menace le tourisme en Egypte. Les pays arabes signataires des accords d’Abraham de 2020, conclus sous l’égide de Donald Trump entre Israël, le Maroc, les Emirats Arabes Unis et le Bahreïn, ont adopté une position neutre en réaction à l’offensive lancée par le Hamas et aux représailles qui ont suivi. L’Arabie Saoudite, qui n’a pas signé les accords d’Abraham, a adopté une posture plus virulente à l’égard d’Israël, interrompant momentanément le processus de normalisation de leurs relations en cours depuis plusieurs années. Mohammed Ben Salmane s’est notamment entretenu début octobre avec son homologue iranien, le président Raissi, sur la « nécessité de mettre fin aux crimes de guerre contre la Palestine ». Toujours du côté du Golfe, la position du Qatar interroge par son ambiguïté. Occupant une place centrale dans les négociations entre Israël et le Hamas, l’émirat est critiqué pour sa proximité avec le mouvement islamique, dont il héberge sur son territoire les principaux chefs. Il est notamment accusé de financer le terrorisme par le biais de son fort soutien économique à Gaza.
L’Iran inquiète, la Turquie interroge
Depuis le 7 octobre, l’Iran apporte un soutien indéfectible au Hamas et à ses actions. Son influence dans la région inquiète. Le 16 novembre, la ministre des affaires étrangères Catherine Colonna a « mis en garde avec fermeté » son homologue iranien Hossein Amir-Abdollahian « contre toute escalade ou extension du conflit » israélo-palestinien, notamment au Liban, où l’Iran apporte un soutien financier et matériel au Hezbollah. La puissance perse est également soupçonnée d’être liée aux attaques du 7 octobre, alors que plusieurs pays occidentaux ont estimé vraisemblable que le Hamas ait reçu une « aide extérieure » pour les préparer. Profitant de son influence dans la région, en particulier sur le monde chiite au sein duquel elle occupe la place de leader, la République islamique d'Iran semble aujourd’hui mener une guerre par procuration avec Israël. Elle prend appui sur le Hezbollah, les milices pro-iraniennes en Syrie et en Irak, ou encore sur les houthis du Yémen pour déstabiliser l’Etat hébreu. Les milices pro-iraniennes attaquent régulièrement les positions israéliennes en Syrie, notamment sur le plateau du Golan, où depuis le 7 octobre plusieurs tirs de roquette non revendiqués ont ciblé des bases de Tsahal. Quant au Yémen, Israël a annoncé fin octobre avoir intercepté un missile balistique tiré depuis des positions houthies dans la haute atmosphère terrestre.Autre puissance régionale, la Turquie se retrouve, malgré sa connivence avec le Hamas, à jouer elle aussi les équilibristes depuis le 7 octobre. Bien que sensible à la cause palestinienne et proche du mouvement islamique, dont elle accueille également certains chefs, la Turquie de Recep Tayyip Erdogan avait opéré, au cours des dernières années, un rapprochement avec Israël. Pour toutefois répondre aux attentes de la population civile turque, largement en faveur des Gazaouis et du Hamas, Erdogan a profité d’un meeting organisé à Istanbul le 28 octobre pour fustiger l’Etat hébreu, le qualifiant de « criminel de guerre », et l’Occident, qu’il juge responsable de la situation à Gaza.

Carte par Thibault Vivet
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