Le MENA, ligne de fracture dans la géopolitique du transit pétrolier
- Soundouce YALAOUI
- 2 nov.
- 3 min de lecture
Le 18 octobre 2025, le tanker MV Falcon, entièrement chargé de gaz de pétrole liquéfié, a explosé en pleine traversée du golfe d’Aden, au large de la côte yéménite. Deux marins sont encore portés disparus.

Même si aucune attaque n’a encore été revendiquée, le contexte semble clair : depuis 2023, le groupe Houthis, soutenu par l’Iran, a multiplié les attaques dans la zone du détroit de Bab el‑Mandeb, dans la mer Rouge, visant à faire pression dans le conflit autour de Gaza. Cet incident survient donc dans un couloir maritime déjà sous tension. Mais qui garantit aujourd’hui la sécurité des routes pétrolières stratégiques ? Dans une conjoncture où chaque baril est un enjeu géopolitique, les détroits, oléoducs et ports de transit ne sont plus uniquement des points de passage : ils sont devenus des zones à risque majeures.
Une géographie du transit pétrolier polarisée
Dans ce contexte de risques maritimes accrus, certains pays jouent un rôle clé. L’Égypte, pourtant petit producteur, contrôle des infrastructures clés : le canal de Suez (3 millions de barils par jour) et l’oléoduc SUMED (2,5 millions). Une liaison par oléoduc vers le port saoudien de Yanbu est aussi envisagée, de quoi consolider son rôle dans la sûreté des flux d’acheminement. Parallèlement, Le Caire a annoncé un plan de forage de 480 puits avec 5,7 milliards de dollars d’investissement d’ici cinq ans. Ainsi, l’Égypte maximise sa rente de transit et se donne les moyens d’un rôle énergétique important.
La majorité du flux pétrolier mondial passe encore par les goulets d’étranglement classiques. On pense par exemple au détroit d’Ormuz qui représente plus de 20 % du pétrole mondial. Toutefois, face aux menaces d’attaques et d’instabilité, des routes alternatives sont développées comme l’oléoduc Petroline saoudien vers Yanbu, hors du golfe ou le port émirien de Fujairah, terminal hors d’Ormuz avec une capacité de 1,5 million barils par jour. Mais toutes les alternatives réunies ne couvrent en vérité que 8 millions de barils par jour, contre 20 millions pour Ormuz en 2018. Le désengagement total de ces détroits reste donc une illusion.
Des nœuds logistiques sous pression géopolitique
La guerre yéménite et l’action des Houthis ont ouvert une nouvelle ligne de fracture dans la géopolitique du transit. En juillet 2025, le cargo Eternity C a été attaqué dans la mer Rouge avec trois marins tués et le navire coulé. Alors, le Conseil de sécurité de l’ONU a prolongé la surveillance des attaques dans la mer Rouge, soulignant leur conséquence globale. Ces éléments montrent que la mer Rouge n’est plus seulement un couloir logistique, mais aussi un espace de confrontation.
La région fait l’objet de différentes volontés de puissance en confrontation. La Turquie se positionne comme un carrefour énergétique avec les oléoducs BTC (Bakou‑Tbilissi‑Ceyhan) et BTE (vers Erzerum) qui permettent de contourner la Russie. Les États‑Unis, bien que moins dépendants car le Moyen‑Orient ne couvre plus que 19 % de leur approvisionnement, maintiennent une présence pour sécuriser les flux. On note toutefois la réduction de leurs troupes qui passent de 200 000 en 2008 à 18 000 en 2019. Tandis que la Russie et la Chine tentent de prendre le relai en Irak comme opérateurs d’énergie. Le message est clair. Même si l’Amérique recule, le pétrole reste une arme géopolitique, et les routes deviennent un enjeu de puissance toujours plus important.
Dans cette région généralement associée à la production, le transit pétrolier devient presque plus stratégique encore. Entre les explosions en mer Rouge, l’accroissement des capacités de transit en Méditerranée et l’instabilité persistante à Ormuz, le constat est clair : le contrôle des routes importe autant que celui des gisements.







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