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Le Pérou frappé par la malédiction latino-américaine

  • Émilie Guillaumont
  • 6 mars 2023
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 27 juin 2023

Depuis le 7 décembre 2022, date de la destitution par le parlement du président péruvien Pedro Castillo, le Pérou pâtit d’une double crise. D’abord politique, la crise est reflétée par une recrudescence des violences policières qui alimente un cycle perpétuel d’agressivité et de contestations.





Une crise politique majeure

Les manifestations dénonçant les meurtres de civiles innocents se multiplient dans les rues de la capitale depuis décembre, et demandent activement le départ de la vice-présidente Dina Boluerte. En effet, la vice-présidente arrivée au pouvoir après la destitution de l’ex-président refuse dans un premier temps de démissionner, ainsi que la tenue d’élections immédiates et la création d’une assemblée constituante. Une fois encore, le peuple péruvien appelle à une démocratie qui semble difficilement applicable dans ce pays ébranlé par les inégalités sociales, le népotisme et la corruption.

Les cycles de violence se succèdent et les jours de deuil également : le 9 janvier 2023, des émeutes violemment réprimées font 18 morts et au moins 100 blessées. Des images diffusées dénoncent l’agressivité des forces de l’ordre ayant tiré sans distinction dans la foule, même sur des médecins venus soigner les blessés. Ces répressions ayant eu lieu dans la région de Puno (au sud pays) essentiellement peuplée par les indiens Aymaras, ont fait suite à la tentative de manifestants de s’emparer de l’aéroport de Juliaca. Au total, depuis le mois de décembre, la répression des manifestations a eu des conséquences lourdes : plus de 40 morts et 600 blessées.


Une crise sociale ancrée dans le paysage

La crise politique péruvienne prend en réalité racine dans un paysage social fragmenté.

C’est la raison pour laquelle les contestations ont émergé des campagnes : zones les plus marginalisées. Ce sont donc les paysans autochtones qui initient la révolte. Cette frange de la population historiquement oppressée constituait la principale base de vote de l’ex-président Pedro Castillo, qui lui aussi était issu de cette communauté. Pedro Castillo incarnait pour la communauté autochtone un espoir d’intégration sociale et de représentativité politique.

Par conséquent, la révolte s’est concentrée dans les régions rurales du sud :

Les élites du pays sont concentrées sur la côte Pacifique, symbole de la mondialisation et de l’intégration. Au cœur du pays, les autochtones sont concentrés dans les campagnes et les montagnes, donnant lieu à des inégalités géographiques, économiques, sociales et ethniques. Par exemple, les Quechuas et Aymaras vivent essentiellement à l'intérieur du pays, dans les Andes, et surtout au Sud, vers Puno, pour les Aymaras. Malgré les richesses minières de ces régions, les communautés ne profitent pas de revenus issus de leur exploitation.


Cycles de violence : quelles perspectives futures pour le pays en état d’urgence ?

Le Pérou semble s’inscrire dans la continuité d’un cycle de violence qui frappe depuis plusieurs siècle le continent sud-américain. Le Pérou qui a connu 6 présidents en 5 ans, pourrait voir l’espoir d’une démocratie écrasé au dépend d’une crise bien trop ancrée dans les racines du pays.

Une fois encore, le peuple péruvien dénonce l’influence des États-Unis dans cette nouvelle crise politique. Les États-Unis ont en effet salué la volonté de la vice-présidente Dina Boluerte. L’intervention des États-Unis ne se limite pas à ce soutien. Washington a enfin autorisé l’extradition de l’ex-président Alejandro Toledo, soupçonné d’avoir perçu des dizaines de millions de dollars du groupe de construction brésilien Odebrecht : évènement qui concrétise la possibilité d’un procès au Pérou. Si le parlement péruvien semble satisfait de cette décision qui insuffle, il espère tout même que la procédure se concrétisera dans les prochaines semaines….

Serait-ce une fois encore une répétition des erreurs de l’histoire à l’image du Mexique de Porfirio Díaz : « Pauvre Mexique, si loin de Dieu, si proche des États-Unis » ?


Enfin, cette énième crise politique et sociale sud-américaine met en exergue la difficulté à souder un peuple fragmenté par une mosaïque culturelle historique. Depuis la colonisation, la mémoire autochtone est au cœur des préoccupations géopolitiques du sous-continent. Au Pérou, comme dans de nombreux pays latino-américains, les autochtones restent marginalisées de la vie politique concentrée dans la capitale Lima. Amnesty International publiait le 20 février un rapport dans lequel elle dénonçait de « graves violations des droits humains », mais aussi le « racisme systémique » envers la population autochtone. Pour Erika Guevara-Rosas, directrice de l’organisation, ce « racisme systémique est enraciné dans la société péruvienne et au sein de ses institutions depuis des décennies, a été le moteur de la violence exercée comme sanction contre les communautés qui ont élevé la voix ».

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