Lula réélu au Brésil
- Émilie Guillaumont
- 31 oct. 2022
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 juin 2023
Après des semaines et même des mois de débats, de violence et de doutes, le Brésil s'est retrouvé le dimanche 30 octobre au pied du mur, confronté à l’un des choix les plus cruciaux de sa jeune histoire démocratique. En effet, les 156 millions d’électeurs brésiliens ont eu à choisir entre deux candidats et plus largement entre deux modèles diamétralement opposés : continuer sur la voie de l’ultra-conservatisme de Bolsonaro ou revenir à la social-démocratie paternaliste de Lula. Hier, le 30 octobre 2022, les Brésiliens ont tranché : Luiz Inacio Lula da Silva sera - à nouveau - le chef de l’Etat à partir du 1er janvier 2023.

Luiz Inacio Lula da Silva
Bolsonaro et Lula : deux candidats extrêmement controversés
D’un côté, Lula, ancien chef de l’Etat et candidat du Parti des travailleurs (PT, gauche) se veut « le président des pauvres ». Il a mis en place lors de ses mandats précédents (2003-2011) des programmes phares tels que « Faim zéro »(Fome zero) ou « Bolsa familia ». Cependant Lula, qui a passé 580 jours en prison pour corruption en 2018 et 2019 et a fait son retour en politique en 2021 après annulation de ces condamnations, reste une figure détestée d’un certain nombre de Brésiliens parce qu’il semble incarner la corruption et a en partie délaissé les classes moyennes qui avaient majoritairement voté pour lui en 2003.
En face, Bolsonaro, fervent défenseur de la dictature militaire au Brésil (1964-1985), avait promis lors de son mandat précédent de rétablir la sécurité dans le pays. Bien connu pour ses prises de positions d’extrême-droite, Bolsonaro est aussi très sévèrement critiqué par son adversaire que ce soit pour la gestion de la crise sanitaire, la déforestation de l’Amazonie ou encore la situation économique du Brésil. Une partie des Brésiliens n’attend donc qu’une chose : qu’il quitte le pouvoir.
Un pays extrêmement polarisé
Alors que le vote est obligatoire au Brésil, près de 20% des Brésiliens se sont abstenus lors de ce premier tour. Un certain nombre de Brésiliens semble en effet ne pas vouloir choisir entre ces candidats, qui sont tous les deux des figures très controversées au Brésil. Si les sondages avaient prévu une avance considérable pour le candidat du PT lors du premier tour (plus de 10 points d’écart prévus entre les 2 candidats en septembre), en réalité, au soir du 2 octobre, seuls 5 points séparaient les deux candidats. Ce premier tour apparaît donc comme un revers pour Lula, qui espérait bien éviter un deuxième tour. Bolsonaro en profite également pour dénoncer ce qu’il considère comme être de la partialité de la part des instituts de sondage. Ainsi, dans ce pays où 33 millions des habitants souffrent de la faim, où la désinformation est importante et où les classes moyennes se sentent abandonnées, ces élections semblent être un gros dilemme pour la plupart des Brésiliens. Ainsi, les résultats du premier tour reflètent un Brésil extrêmement polarisé : 48.43% des voix pour Lula et 43.20% pour Bolsonaro.
Dès lors, deux Brésil semblent se dessiner. Deux Brésil qui peinent à communiquer pacifiquement. Le rejet de l’adversaire est tel dans chaque camp que réconcilier le pays semble presque impossible.
Les élections, et après ?
Si la victoire de Lula semble être un soulagement pour un certain nombre de Brésiliens et pour la communauté internationale, son mandat ne s’annonce pas pour autant sans encombre. Le Brésil joue un rôle important que ce soit à l’échelle régionale (1/3 de la population et 40% du PIB de l’Amérique latine) ou mondiale. La victoire de Lula avec 50.9% des voix (60,3 millions de voix), est donc saluée par la plupart des chefs d’Etat, de Joe Biden à Xi Jinping en passant même par Vladimir Poutine. La communauté internationale semble soulagée : la décision de la Norvège de redémarrer sa collaboration financière avec le Brésil (aide gelée en raison de la déforestation massive de l’Amazonie pendant le mandat de Bolsonaro), illustre ce soulagement.
Cependant, Jair Bolsonaro n’a pas encore reconnu sa défaite publiquement. Silence qui inquiète un certain nombre de Brésiliens. En effet, sans être alarmiste, un scénario similaire à celui de l’assaut du Capitole de janvier 2021 aux Etats-Unis ne peut alors pas être complètement écarté. De plus, le Brésil étant un pays fédéral, les gouverneurs y jouent un rôle très important en matière d’éducation, de santé ou de lutte contre la pauvreté. Etant donné qu’après le vote de hier soir, 14 gouverneurs sur 27 (dont celui de Sao Paulo, état le plus riche du Brésil) sont proches de Bolsonaro, beaucoup craignent donc une paralysie du pouvoir de Lula.
Cette campagne d’une rare violence, entre joutes verbales et barrages empêchant certains électeurs d’aller voter, a profondément divisé le peuple brésilien.Ainsi, un des enjeux principaux pour le chef de l’Etat sera de réconcilier son peuple afin de « reconstruire le pays sur l’amour et non la haine » (volonté largement mise en avant par le nouveau chef de l’Etat pendant sa campagne). Pour sortir de cette « interminable émergence »(expression tirée du titre du livre du politologue Frédéric Louault paru en 2022 Le Brésil. L’Interminable émergence), Lula devra composer avec un peuple divisé, un contre-pouvoir fort et une économie en difficulté.
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