Un renouveau des relations diplomatiques entre l'Iran et l'Arabie Saoudite
- Énora Gosselin
- 13 mars 2023
- 3 min de lecture
L’Iran et l’Arabie Saoudite, les deux grands rivaux du Moyen-Orient, pourraient avoir retrouvé un lien diplomatique, ce vendredi 10 mars lors d’une rencontre organisée en Chine. Un espoir apparait donc : celui d’enfin voir les nombreuses tensions découlant de leur relation tumultueuse s’amoindrir et celui de retrouver une certaine unité parmi les pays du Golfe.

(de gauche à droite) Le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amirabdollahian, son homologue chinois Qin Gang et le prince saoudien Faisal bin Farhan Al Saud
Des tensions persistantes qui influencent le Moyen-Orient
Les deux nations avaient rompu toute relation diplomatique en 2016, après l’assassinat du religieux chiite Nimr Al-Nimr et les émeutes qui en avaient découlé. Leur différend religieux – Riyad est sunnite tandis que Téhéran est chiite – exerce une tension croissante dans la zone. L’Iran cherche à étendre son influence en soutenant les gouvernements du Moyen-Orient avec qui il partage des intérêts religieux, ce qui est grandement redouté par l’Arabie Saoudite qui tente de faire de même avec les groupes sunnites en Syrie ou à travers son implication au sein de la guerre au Yémen.
Durant les dernières décennies, le rôle stratégique du détroit d’Ormuz n’a eu de cesse d’attiser ces tensions. Son contrôle représente un atout majeur car une partie non négligeable des échanges commerciaux y a lieu : 1/3 du trafic pétrolier maritime et 1/5 du gaz naturel liquéfié y circulent. Les deux rivaux et leurs alliés respectifs se partagent les côtes bordant le détroit. La région est de fait propice aux conflits, aussi bien directs qu’indirects, et laisse place à de nombreuses menaces de « guérillas navales ».
A quoi faut-il s’attendre après ce nouvel accord ?
La réconciliation diplomatique entre Riyad et Téhéran pourrait avoir des répercussions considérables sur l’ensemble du Moyen-Orient de par leur puissance politique et économique. Les deux nations disposent d’un délai maximum de deux mois pour ouvrir à nouveau leur ambassades respectives : ce changement leur permettra de rétablir des échanges diplomatiques directs et de ne plus communiquer par l’intermédiaire d’un pays tiers, rôle parfois détenu par l’Irak ou la Chine. De telles discussions font espérer une plus grande stabilité dans la région, bien que leur vision stratégique respective diverge encore en bon nombre de points. De nouvelles perspectives d’échanges commerciaux sont également envisageables et un impact sur le marché pétrolier pourrait être constaté en cas d’entente entre ces deux nations.
Au Liban, Nabih Berry, président du Parlement et figure politique chiite majeure du pays, évoque déjà un « accord historique » ainsi que sa volonté d’un « renforcement des intérêts communs des peuples de la région ». De même, les alliés de l’Iran voient en ce nouvel accord un espoir d’apaisement dans une zone géographique constamment sujette à des tensions, comme cela est encore le cas au Yémen. Les nations proches de l’Arabie Saoudite ne se sont pas encore prononcées sur le sujet.
L’influence croissante de la Chine au Moyen-Orient
Les pourparlers qui ont conduit au rétablissement de ces relations diplomatiques ont eu lieu en Chine, territoire qui n’a rien de neutre. De fait, Pékin exerce un rôle considérable en Asie orientale et au Moyen-Orient, et ce davantage depuis la fin de la Guerre Froide. Le 8 décembre dernier, Xi Jinping a ainsi rendu visite au prince héritier Mohammed Ben Salmane à Riyad, quittant l’Empire du Milieu pour la seconde fois seulement depuis le début de la pandémie de Covid-19. Une telle rencontre a de forts enjeux stratégiques pour la Chine qui souhaite développer une coopération multilatérale avec les pays du Golfe en signant des accords divers, tant sur le numérique que sur des sujets économiques précis. `
Dans cette même logique, 400 milliards de dollars ont déjà été engagés dans un cadre commercial avec l’Iran, pays qui a également des échanges étroits avec la Chine. En effet, Téhéran est membre de l’Organisation de coopération de Shangaï (OCS) depuis 2021, et cette voie pourrait être suivie par l’Arabie Saoudite, soucieuse de rester impliquer autant que son voisin dans les affaires chinoises. L’influence mutuelle exercée par les pays du Moyen-Orient et Pékin retient l’attention des pays occidentaux, notamment des Etats-Unis, qui ne voyaient déjà pas d’un bon œil l’intervention occasionnelle du gouvernement chinois dans la région.
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